La Croisière... je t’explique...

Par Agfa-Luna Automatica

       La Croisière, ça se tient deux fois par année. Pendant une semaine, des garçons pas comme les autres se retrouvent dans une maison à la campagne. Ce qui nous réunit, c’est une identité de pédé ou du moins cette définition. Souvent d’autres identités sont présentes aussi, notamment celles de tapette, fiotte, libertaire, miliTante, punk, tapin, anarchiste, squatteur, etc. Jusqu’à présent, les pédales venaient de Suisse, Belgique, France et Bretagne. Certains vivent dans un contexte social marginalisé et politisé, d’autres dans leurs deux-pièce-cuisine-et-chiottes. Certains vivent en communauté, d’autres seuls ou en couple. Certains sont RMIstes, d’autres font des études, tapinent ou ont carrément un boulot de prestige. Certains viennent à La Croisière pour parler et écouter, d’autres plutôt pour écouter. Pendant La Croisière, ça discute dans les ateliers sur les sujets qui nous tiennent à cœur, qui sont proposés de manière spontanée ou bien préparée. Dans les ateliers créatifs, ça travaille de manière joyeuse.

 

Historique...

    Le projet de La Croisière est né en février 98 à Toulouse. On se faisait part des difficultés de chacun dans son milieu anar local, notamment sur le statut de ‘mascotte’ attribué au rares pédés souvent solitaires dans ces milieux militants. Le bilan de chacun sur sa participation dans des projets de pédés n’était pas tout à fait satisfaisant non plus. L’envie d’un projet pédé interrégional émergeait donc de pas mal de frustrations. Mais maintenant, c’était l’euphorie. On a été inspiré par ‘Homoland’ (une rencontre pédale germanophone existant depuis env. 8 ans) et c’est ainsi qu’on a décidé de lancer le projet. Dès le début, La Croisière n’était donc pas un groupe mais une structure. Elle semblait idéale puisqu’elle devait pouvoir profiter d’une continuité et permettre non seulement des échanges approfondis mais aussi des réflexions, des amitiés, de la tendresse et des amours ainsi que la création d’un réseau et la préparation d’actions politiques.

Le cercle s’est agrandi lors du colloque ‘trois jours pour le grand soir’ organisé par la librairie libertaire ‘La Griffe’ à Lyon où le projet a été présenté pendant une réunion ‘gay non mixte’. De celle-ci résultait aussi une participation ‘anarkogay’ à la LGP 98 (Lesbian & Gay Pride®) à Lyon et Lausanne.


La Croisière I...

    La Croisière I a finalement eu lieu en Belgique en septembre '98. Un des sujets principaux était 'moi et le ghetto'. Dans les discussions, le 'ghetto', c'était avant tout le ghetto gay (commercial ou de lutte subventionnée) mais aussi les ghettos anar, libertaire, squat, etc. Dans ce contexte, la nécessité de structures non mixtes a aussi été abordée. Un autre sujet important était le travestissement comme expérience personnelle, comme identité ou bien comme visibilité 'queer' et ainsi comme un moyen politique. A la fin de La Croisière I, ce moyen politique a été mis en pratique lors de la participation à une action antifasciste contre une réunion régionale du parti flamand 'Vlaamse Blok' à Lommel. Malgré la pluie belge permanente, La Croisière I était une bonne expérience pour tous les participants mais pour La Croisière II, on préférait trouver un endroit plus au sud.


La Croisière II...

    Plus au sud et sans pluie, La Croisière II a eu lieu dans le Jura suisse en avril ‘99. Par contre, il neigeait et les températures étaient encore bien plus fraîches que l’année précédente en Belgique. Mais ça n’a pas nuit à l’euphorie générale même si un citadin toulousain en communication téléphonique avec sa ville trouvait que "le Jura, ça caille et ça pue la campagne. C’est affreux!"... Les ateliers (de discussion ou créatifs) étaient beaucoup plus nombreux cette fois-ci. Les sujets abordés étaient entre autres:

© langages sexistes et antisexistes
© carrefour de luttes dans nos villes et villages
© homophobie et coming-out
© ‘queer’ et identités
© moi et le ghetto
© quelle solidarité avec les personnes prostituées?

Lors d’un atelier ‘actions’, on a décidé de participer à la LGP ‘99 à Toulouse avec un char et d’organiser une fête de soutien à La Croisière le soir-même au squat ‘Le Clandé’. Mais ‘La Croisière II’ n’est pas restée tout le temps dans sa maison dans la neige. On a fait une excursion à St Imier pour profiter d’une visite guidée très sympa à l’Espace Noir, un centre anarchiste culturel et politique.

Un grand événement attendait ‘La Croisière II’ vers la fin de la semaine à Berne: la ‘extra schicke Tuntengala’ (‘soirée gala de tantes extra chic’) à la Reithalle (centre anar culturel et politique). Cette soirée était l’occasion de connaître tout plein d’anarkopédales de Suisse alémanique, d’Allemagne et des Pays-Bas venues pour participer à ‘Homoland’ qui allait commencer le lendemain dans les Alpes bernoises. ‘La Croisière II’ s’est finalement terminée avec les gens d’Homoland dans leur maison alpine sous la neige si romantique.


Critique...
     Par rapport à sa ‘non mixité gay’, La Croisière a été la cible de critiques dans les milieux libertaires. Notamment des hétéros et des personnes qui refusent toute définition de sexualité allaient jusqu’à interpréter la non mixité comme exclusion. Il y a là une tendance de ‘politiquement-correct’ qui manque parfaitement de connaissance en matière de réflexions et luttes antipatriarcales, notamment féministes, menées depuis des dizaines d’années. Saches du moins que La Croisière est simplement une structure ‘non mixte gay’ et non pas un groupe dont les membres verraient la non mixité comme une finalité. Si tu avais voulu participer à La Croisière, mais que tu ne peux pas parce que tu ne veux peut-être pas changer de sexualité et/ou de sexe, tu pourrait lancer ton propre projet de rencontre à la campagne... (C’est aussi simple que ça!)
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