Université
d’Eté
Euroméditerranéenne
des Homosexualités
Marseille 1999

par Polytoxica, ENVOYEE SPECIALE

 

Historique
      Du 24 au 31 juillet s’est tenue l’Université d’Eté Euroméditerranéennes des Homosexualités (U.E.E.H) pour la 6ième fois. Ces universités ont existé de 1979 à 1987 une fois tous les deux ans, pour être suspendues de 1987 A 1999. A l’initiative de cette reprise, on retrouve des "anciens" impliqués dans les premières universités. Bon nombre des organisateur/trices font partie de la commission nationale des homosexualités de la Ligue Communiste Révolutionnaire.
      Ce projet a été financé par la région PACA (la plus facho !), le conseil général, la Ville de Marseille et une vingtaine de commerces. Mais ces subventions/soutiens n’ont finalement pas suffi à alléger la participation aux frais des participantEs. On peut donc espérer que plus de fonds publics seront débloqués pour la prochaine édition.

Y’avait qui?

      Au niveau associatif local, étaient présentes : AIDES-Provence, les Grues Libérées, Contact-Provence, le bar associatif "aux 3G" (bar de femmes mixte, hyper agréable) , Les Soeurs de la Perpétuelle Indulgence du couvent des Aubépines, le centre gay et lesbien de Marseille. Il y avait aussi Amnesty International, AMAL, Equipe Simone, Etudions Gayment, Gais Musette, Zoo, ACCEPT (Roumanie), ALCS (Maroc), ASIMA (Espagne), ILGA (Portugal)... et bien d’autres que j’ai certainement oubliées.

      Cette université s’est quasi déroulée dans une non-mixité homo, seulEs quelques hétéro/as ont réussi à s’infiltrer. Dans l’ensemble, les participantEs étaient plutôt "homme-blanc-classe moyenne" mais la volonté d’ouverture sur les pays méditerranéens est notable. Les lesbiennes lybiennes, c’est pas pour cette année.

      Quant à la répartition hommes/femmes, 1/3 des participantEs étaient lesbiennes, en nette progression paraît-il par rapport aux années précédentes où elles n’étaient qu’une poignée. Mais malheur à celles qui osent faire ce constat, elles s’exposent à des sifflements et à des "hou !". Il est fort regrettable que dans une assemblée homo (un minimum politisée), les lesbiennes soient sans cesse obligées de répéter que "les lesbiennes et les gays c’est pas pareil, les lesbiennes luttent aussi en tant que femmes...". Quelle énergie perdue à ressasser ce B-A-BA féministe qui devrait pourtant être acquis en 1999.

      Un autre point à aborder, la répartition jeunes/vieux-vieilles : je n’ai pas les statistiques sous la main, mais les moins de 30 ans n’étaient pas majoritaires. Je ne suis pas gérontophobe mais ça m’a quand même posé problème d’être stigmatisé comme "jeune", on ressentait clairement que les jeunes générations étaient mal représentées et que c’était une carence pour l’UEEH. La question "transgénérationnelle" a d’ailleurs été abordée sous forme d’atelier. Mais en faisant ce constat, ce n’est pas l’organisation de l’université que je remets en question, mais la mobilisation et l’engagement politique des "jeunes" homos.


Qu’est-ce qu’il s’y passe ?

L’université d’été homo, c’est une rencontre de pédés et de lesbiennes, militantEs, universitaires, étudiantEs, d’associations et d’individuEs et ça dure une semaine.
En gros et juste pour avoir une idée de ce qu’il s’y passe :

        Y’avait tous les jours, de 14h à 17h, des ateliers divers comme expression corporelle, discussions, Nique-ton-genre, musik...
        Tous les jours de 17h à 19h, y’avait aussi des conférences/séminaires, souvent sous forme de cycles. Par exemple, les cycles SIDA, identités, Méditerranée, intégration/subversion et études lesbiennes gay pour n’en citer que quelques uns.
        Quatre forums de discussion ont eu lieu : " témoignages euroméditerranéens " (présenté par Amnesty International), " PACS et l’après ? ", " SIDA contexte français/méditerranéen ", " communauté, communautarisme, intégration républicaine, universalisme ".
La traditionnelle soirée à la Calanque, célèbre pour sa parthouse à la belle étoile, ne manquait pas. L’université s’est clôturée par une croisière sur l’île du Frioul avec feu d’artifice en mer.
Dans le bâtiment central du campus, des tables de presse constituaient le " salon de l’homosocialité ". De grands efforts ont été déployés pour maintenir, jusqu’à la fin de l’UEEH, l’espoir d’un cyber-c@fé. On peut espérer que ça fonctionnera l’an prochain !
Et puis, y’avait aussi des expos, des vidéos, des films...


Côté thune

      Je dois remercier les organisatrice/teurs parce qu’ils/elles ont bien assuré.
      Avant de venir à l’UEEH, je leur avais passé un coup de fil pour leur dire que j’avais pas un rond, que j’étais RMIste et SDF, mais que j’avais bien envie de participer à l’université. En effet, les frais d’inscription s’élevant à 900 FF sans logement ni nourriture, je trouvais ça un peu reuch. Ils/elles m’ont finalement fourni des tickets restau pour la semaine et une chambre.
      Mais comme je n’étais pas le seul fauché, il y a eu négociation pour 30 % des participantEs.


La présence d’une association de bissexuel-les à l’UEEH est-elle excusable ?

miam ?

      Ca va êt’vite torché le chapitre végétarisme à l’UEEH !!
      A ma connaissance, j’étais le seul végétarien (sur 300 personnes) mais il paraît qu’on était trois. On nous avait dit que notre régime alimentaire serait pris en compte (c’est marqué dans le programme) : que dalle !
       Après avoir demandé qu’il n’y ait plus de bacon mélangé à l’omelette, je me suis bien gardé de demander si les poules pondeuses étaient élevées en plein air...


QUEERAGE!

Queer Liberation Front, groupe d’intervention italo-franco-suisse

      L’avant dernier soir de l’université, une assemblée autour du thème "communautarisme" se tenait dans une atmosphère électrique et mouvementée, et a marqué la fin du(des) consensus : forte critique du SNEG, interventions lesbiennes quant au problème de la mixité hommes/femmes dans l’UEEH...
       Soudain, le débat est interrompu par Luxuria Proletaria, Inferna Karachnikova et Mme La Comtesse Gillette de Polytoxica qui s’emparent du micro pour parler de violences masculines.
       En effet, la veille au soir, un participant à l’université (un pédé donc) s’est livré à des actes de violence (physique et verbale) contre d’autres participants dans un contexte de jalousie.
       Même si ces trois drag queens n’ont pas été victimes (cette fois-ci !) de ces violences, pour elles, cet événement a marqué un changement. C’est la peur de la violence masculine qui est à nouveau tombée dans un espace a priori privilégié, en sécurité entre lesbiennes et pédés. Ces trois drags se croyaient entourées d’amiEs et ont découvert

de manière douloureuse la présence d’un ennemi. Mme Karachnikova a même exigé aux mecs violents de quitter l’université sur le champs !
       Il a paru important pour elles de ne pas laisser cet " incident " dans la confidentialité et le silence, mais au contraire de le rendre bien public.
       Les réactions à cette intervention ont été nombreuses et diverses : de nombreux retours positifs surtout de la part de femmes. Mais un des arguments récurrents (négatif) était qu’elles s’étaient mêlées de la vie privée d’un couple " on peut bien péter les plombs quand on est jaloux ! ". La fréquence des commentaires de ce genre démontre bien qu’il y a encore du travail à faire chez les garçons, même pédés, sur leur propre violence.
       Gillette, Inferna et Luxuria ont finalement renoncé aux applaudissements pour elles mais ont invité le public à applaudir en signe (sonore) de solidarité pour toutes les victimes de violences masculines, certainement nombreuses dans cette assemblée lesbienne gaie. Elles ont ainsi brisé la loi du silence trop souvent appliquée en cas de violence masculine, que ce soit la violence physique ou verbale, la guerre, le viol, les abus, les violences sexuelles, le harcèlement, la violence institutionnelle, les violences policières etc...

Athmosphéres

      L’UEEH s’est déroulée au campus de Luminy à quelques kilomètres de Marseille, un grand campus comme il en a fleuri un peu partout en France après 1968 : bâtiments préfabriqués en amiante, salles de cours sordides et coursives bétonnées. L’Allemagne de l’Est à la belle époque ! Ce lieu aurait certainement convenu à un congrès ou colloque hétéro, mais n’était franchement pas adapté à une université d’été homo ! Le " lieu de vie " principal portait le nom de " salon de l’homosocialité " : non non ! C’est pas ce que tu crois ! Rien de convivial ni d’homosocial, mais juste un gigantesque hall administratif à l’acoustique épouvantable avec quelques tables de presse disséminées, sans oublier les trois pov’ballons (style rainbow !) qui servaient de déco.
       Les médiocres repas étaient déglutis dans le restaurant universitaire : tu prends un hypermarché Carrefour, t’enlèves les rayons, tu mets des tables et des chaises et t’as un restau U !!!
       Quant à l’hébergement, tout le monde dormait dans des chambres individuelles de la cité universitaire dans des lits de 50 cm de large: hyper pratique pour les câlins !
       On a pu se rendre compte qu’on était loin du temps (70’s) de la libération de l’homosexualité et de la subversion ! Petite anecdote illustratrice : par un bel après-midi chaud et ensoleillé, un garçon décida de se débarrasser de ses vêtements pour profiter du climat privilégié et du contexte homo le permettant. Il n’a pu profiter de sa nudité qu’une minute seulement, un organisateur de l’UEEH s’est empressé de le faire rabiller, prétextant que des secrétaires encore au travail pourraient être choquéEs.
 

      Au départ, rien n’avait été prévu pour passer la soirée sur le campus, impossible de pécho une bière ou autre chose après 19 h. Un vrai calvaire pour Polytoxica ! Pour les soirées, le programme annonçait des "nuits marseillaises" qui consistaient en fait à aller boire une bière à 40 boules dans une disco pédé. Dommage, pour une fois que pédés et lesbiennes avaient la possibilité de se rencontrer hors du gaytto ! Heureusement, au fil des soirées, l’ambiance s’est décoincée et des bals musette ont été improvisés.


       Malgré l’ambiance peu subversive et la tendance assimilationniste, je tiens à noter la présence des Soeurs de la Perpétuelle Indulgence, toujours bruyantes, toujours folles radicales. Et tous les soirs pendant les débats, Madame H., représentante de " Homosexualité et Bourgeoisie ", intervenait pendant 5 minutes pour quelques conseils "H & B".


Perspectives...

      A priori, l’UEEH doit avoir lieu l’an prochain. Et je m’en réjouis malgré mes critiques et mes sarcasmes. En effet, le fait qu’une initiative homo non-commerciale ait été prise est motivant. Vu le paysage homo en France, la tendance assimilationniste je-suis-homo-mais-je-suis-normal-comme-les-hétéros-je-veux-m’intégrer, je considère que cette initiative est en quelque sorte " alternative ". D’autre part, l’existence de cette université comme espace de transmission de la mémoire politique, la possibilité de tisser des réseaux de solidarité avec les pédés et lesbiennes d’autres pays sont intéressantes.

      Pour ces raisons-là, je pense revenir à la prochaine UEEH avec mes robes, mes rouge-à-lèvres, mon mascara non-testé sur les animaux et quelques revues (Voici, OK-Podium, Ici Paris) au cas où je m’emmerde.

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