Lyon,Toulouse,Bruxelles...

 



à quand notre fête à nous??
par Arlette von Mainzer Strasse



La fête dans les locaux du C.U.L., c'était à Lyon, c'était la "Lesbian and gay pride" 1998. Les deux textes suivants par des auteurEs anonymes m'ont été envoyés quelques semaines plus tard. Ce n'est pas pour vous ennuyer avec des vieilles histoires, que je tiens à ce que ces textes fassent partie de ce BangBang N°2. Oui, c'est une vieille hisoire bien amère. Mais les problèmes sont toujours les mêmes. Les problèmes ont été les mêmes à la fête pour la LGP '99 à Toulouse ou encore au "Congrès des enfilés" en sept. 99 à Bruxelles. Il faut que ça change. A la LGP 2000 à Bruxelles et à Bourges (participation anarkogay prévue depuis La Croisière III), je ne supporterai pas qu'on m'impose à revivre le même cauchemar.

notes d'une participante

 

      J'ai bien failli rester silencieuse, je n'avais pas envie de passer de l'énergie et du temps à écrire ce qui suit, et puis je me suis rappelée que ce qui n'est pas nommé n'existe pas... J'écris donc, de ma place de fille et de lesbienne, à propos de la fête au CUL après la Pride pour dire ce qui m'a plu et ce qui m'a agressée et pourri la soirée.

      J'ai adoré la déco, le côté non-marchand, et les messages des banderoles raisonnaient pour moi dans toute leur puissance subversive. Des copines et quelques copains étaient présentes, j'étais heureuse de les voir, de partager un brin de folie et de gayté avec elles et eux, j'avais envie de danser et la musique me plaisait assez dans l'ensemble...
       En fait, mon sourire s'est vite crispé:
Une amie et un ami, avec qui j'étais montée pour aller à la soirée, sont reparties en voyant devant le local des mecs qui les auraient sûrement agressées; moi-même j'ai loguement hésisté en pensant aux potentielles violences que je pouvais subir de la part de mecs virils, violents, qui ont l'habitude de prendre plein d'espace physique et sonore de manière agressive et intolérable à des soirées - quand ils ne cassent pas de vitrines de librairie ou de squat...
       Je suis donc venue, quand même, parce que je n'avais pas envie de m'exclure à cause de ces mecs qui font chier, je ne voulais pas leur laisser toute la place.
       Mais j'ai eu l'impression - c'était bien réel pour moi - d'avoir à me battre pour prendre de la place pour danser, à devoir aussi faire attention où je m'asseyais dans la rue pour me sentir à peu près en sécurité... Quelques rares fois nous nous retrouvions une majorité de filles à danser mais dès que 2 ou 3 copines repartaient discuter dans la rue, des mecs et des couples hétéros reprenaient toute la place...
       Quand je dis des mecs, c'est tous les mâles virils qui gueulent, qui dansent en prenant un maximum de place, qui sont fiers de se montrer dans leur masculinité flamboyante et de prendre toute la place, qui sont fiers d'être bourrés et d'être des vrais mecs, qui vous engueulent ou vous demandent des explications sur vos autocollants féministes lesbiens, bref ceux, tout ceux qui me terrorisent, me brisent ma joie, qui font que je n'ai plus d'espace, qui font que je reste à tout moment vigilante...
       Quand je m'énerve sur la visibilité hétérosexuelle, c'est qu'il y a des jours (eh, oui, c'est bizarre, y'a des jours comme ça! ...), comme la journée de la Pride, où j'ai surtout envie de voir celles et ceux qu'on ne voit pas d'habitude: les lesbiennes et les pédés.
       Je suis triste de voir, à cette fête qui était faite pour elles et eux, pour leur fierté, que les lesbiennes et les pédés étaient si absentes, si invisibles et les hétéros si fiers, si visibles, si présents partout, merde ils ont tout le reste de l'année pour eux, à leur gloire et hégémonie...
      Alors merde, où étaient les lesbiennes et les pédés, qui auraient pu venir au CUL le 6/6/98: encore cachées, terrorisées, dégoûtés, pas concernées, blasées, énervées?...
       Des gestes de violences directes et indirectes j'en ai subi plusieurs ce soir-là et j'ai vu des copines et des copains en subir aussi: quand un mec vous fait chier et insiste pour danser avec vous, quand un autre vous injurie parce qu vous avez un autocollant "Ni dieu, ni mec" (pour moi, les banderoles dans la salle disaient la même chose), quand un autre passe son bras autour de votre cou alors que vous ne lui avez rien demandé et que ça vous agresse, quand vous n'avez plus d'espace pour danser, quand un autre vous lance un regard violent, quand vous ne voyez presque que des hétéros à une fête gay et lesbienne, quand vous devez rester en permanence vigilante pour pas qu'on vous agresse plus, quand vous savez que dans la salle y'a des mecs qui ont frappé vos amis, qui ont détruit les vitrines du Crève-Lune, quand vous vous sentez impuissante parce que vous ne voyez pas quoi faire, quand faire la fête revient à livrer bataille...
       Alors où pose-t-on la limite pour virer quelqu'un qui crée ces comportements violents? Faut-il attendre qu'il n'y ait plus de place pour personne d'autre que lui, qu'il viole, qu'il cogne? Où est-ce tout à fait tolérable que pendant une soirée entière des mecs terrorisent à feu doux, gueulent leur mâlitude tout au long de la soirée, affichent leur virilité, leur force, leur autorité, prennent énormément d'espace, me terrorisent et m'énervent et en plus à une fête anarcho-gay et lesbienne?

une fille de Lyon et de Lesbos
(entre autres proche de l'anonyme d'à côté)

notes d'un absent


       Je ne suis pas venu à la fête au CUL après la Gay Pride; ou plutôt, si, j'y suis allé, mais je suis reparti lorsque j'ai aperçu Tex dehors, devant le local. J'étais heureux de l'avoir aperçu avant d'arriver vraiment, et heureux que lui ne m'ait pas vu: j'ai pu faire demi-tour sans problème. Mais j'étais très mal après, d'avoir dû, moi, partir, et non lui: sentiment de peur, d'injustice, d'humiliation et d'isolement.
       Je ne suis pas venu au CUL, alors que je savais qu'il n'oserait pas me taper dessus d'entrée, en présence de tout le monde. Mais je savais aussi que j'aurais continuellement eu la trouille, la trouille de croiser son regard, de regarder de travers, de faire un pas de travers, de dire un mot de travers. Que tout pourrait être (serait) retenu contre moi, et motif/prétexte potentiel à agression.
Le rapport de force et l'humiliation, ils se jouent aussi à des regards, à des tons de voix, au fait de s'imposer dans l'espace, à des façons de ne pas voir quelqu'un, de n'en pas tenir compte, à des façons d'être bien alors que l'autre est mal, à des façons d'afficher une légèreté lorsque l'autre ne peut pas s'amuser à cause de la tension et de la peur, etc. Et déjà au fait tout bonnement d'être présent, après l'inacceptable qu'on a fait, après qu'il y ait eu des victimes, malgré la peur qu'on fait régner.
       Sa présence même était pour moi une provocation, et nécessairement un rapport de force: il ne s'est jamais excusé de ce qu'il a fait à Yves, et on a de bonnes raisons de penser qu'il ne le regrette pas et que cela ne le dérange pas de continuer sur sa lancée. Sa présence au CUL, je l'analyse aussi dans ce sens. Lui sait très bien que nous avons peur.
       J'étais venu pour m'amuser, pas pour un rapport de force. Je n'ai pas eu le courage d'y aller: je n'ai pas non plus été le seul.
       C'est très difficile de refuser quelqu'un, et encore plus de lui dire de ne pas rester dans la rue devant le local. C'est trop tard de toute façon, lorsqu'on l'a laissé s'imposer dans la place, pour identifier les rapports de force implicites (comme les jeux de voix ou de regard) et les faire cesser.
Mais ne pas le faire, c'est accepter que des personnes ne puissent plus vivre sans peur, ne sentent pas de solidarité face à leur situation, et doivent s' "auto-exclure".
       La stratégie de ces gens, c'est de terroriser ceux et celles qui s'opposent vraimnent à eux, qui n'acceptent pas leur agissements, et notamment, leur pratique de terreur (je n'utilise pas le mot à la légère, il est repris par plusieurs autres personnes). C'est ce qu'ils ont clairement marqué en harcelant pendant plusieurs jours le Crève-Lune, et lorsque l'un d'eux a menacé au Crève-Lune un copain qui résistait fermement à son agression: casser la solidarité, en menaçant individuellement les gens. Actuellement, on est au moins huit personnes à avoir peur, vraiment peur, de se ballader sur la Croix-Rousse. Plusieurs ne viennt plus, d'ailleurs, et d'autres font continuellement attention: ne pas se sentir en sécurité. On ne se sent pas trop soutenuEs.
       La situation actuelle, ça me fait penser à celle d'une femme qui aurait réussi à quitter son mari violent mais qui serait exposée à le rencontrer partout, non seulement dans le quartier mais aussi chez ses propres amis, comme si de rien n'était.
       Il faut casser l'omerta (la loi du silence) du milieu, et il faut casser la complicité passive. Sinon, le milieu fonctionne comme la mafia. C'est tout notre combat politique contre le pouvoir et contre la soumission au pouvoir que nous sommes aujourd'hui forcéEs de regarder en face.

Ils sont venus chercher les homos, mais je n'étais pas homo, je n'ai rien fait.
Ils sont venus chercher les lesbiennes, mais je n'étais pas lesbienne, je n'ai rien fait.
Ils sont venus chercher les communistes, mais je n'étais pas communiste, je n'ai rien fait.
Ils sont venus chercher les juifs, mais je n'étais pas juif, je n'ai rien fait.
Ils sont venus me chercher, et il n'y avait plus personne pour me défendre.

Un anonyme (hélas!)

(prière de faire lire cette lettre à toutes les personnes impliquées, en se sentant responsable que cela ne doit pas mettre en danger ceux/celles qui sont déjà dans leur ligne de mire)

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