Peur des mecs

Peur des mecs

Par Polytoxica elle-même

Têtu, juin 1999, p. 84, courrier d'un lecteur:

"Je vis mon homosexualité d'une manière très peu commune. Et je m'en plains! Ma mère est au courant depuis trois ans, et mon père depuis un an. Tous les deux l'acceptent parfaitement... Jusque-là, aucune raison de me plaindre. Mais le problème est que les mecs me font peur... Je suis quelqu'un de timide et de naïf, et cela m'a coûté cher. Il y a trois ans environ, un homme d'une quarantaine d'années m'a proposé de me faire découvrir des choses (j'étais vierge). Après un an de réticences, j'accepte. Il me fait monter dans sa BMW, et m'emmène dans un coin tranquille de la campagne nîmoise. Ce qui s'est passé ensuite est, pour moi, ni plus ni moins qu'un viol. Bien sûr, j'ai consenti à aller dans sa voiture, et je savais ce qui devait se passer. Mais pas de cette manière. Le pire, c'est qu'il n'a pas paru remarquer ce qu'il m'avait fait. Il a dit: "C'était bien, hein? " Il m'a déposé devant mon lycée, et on ne s'est plus revu. Je ne suis pas assez bête pour penser que tous les hommes sont comme ça, et j'ai déjà eu quelques relations amoureuses, mais dès que le spectre du sexe s'est profilé, j'ai tout arrêté. Tous ces types qui m'ont déjà dragué dans les lieux spécialisé (parcs, plages), tous ceux-là ne cherchent que le sexe. J'ai vraiment envie de nouer des liens très forts avec un homme, mais comment lui faire comprendre qu'il faut patienter (un peu... Je ferai des efforts...)?

Arnaud, 20 ans, Montpellier

Réponse de Têtu:

"Ta lettre, Arnaud, nous a posé un problème. D'un côté, ce que tu nous dis est très grave, peut-être trop pour être publié aussi simplement dans ces pages. De l'autre, il était difficile, sous ce prétexte, d'écarter purement et simplement un témoignage qui est le reflet d'une réalité plus large. Pour mémoire, nous rappelons la définition du viol dans l'Article 222-23 du Code pénal: "Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise, est un viol. Un viol, comme tout crime, peut être dénoncé jusqu'à 10 ans après la date des faits."

Je réponds à Têtu:

"Je suis tombé par hasard sur la rubrique courrier de Têtu -juin 1999- où Arnaud de Montpellier vous écrit pour vous raconter qu'il a été victime de violence sexuelle et que ça lui pose un gros problème avec les mecs. Votre réponse m'a posé un problème; elle est révoltante et inacceptable: D'une part, la lettre d'Arnaud vous a "posé problème". C'est pas Arnaud le problème, c'est le violeur! Vous n'avez pas trouvé mieux que de culpabiliser une victime de violence sexuelle pour lui venir en aide? D'autre part, rappeler la définition juridique du viol me paraît plus que déplacé: vous paraissez fortement douter des propos d'Arnaud. Ca n'a pas dû beaucoup l'aider! Effectivement, si Arnaud n'a pas subi de pénétration, pour la loi il ne s'agit pas de viol mais d'abus sexuel. Et alors? Ça change quoi pour Arnaud? Dans sa lettre, il explique pourtant clairement qu'il a été victime de violence sexuelle, mais ça vous avez refusé de l'entendre. Vous pensez que ce que dit Arnaud est "très grave". C'est tellement grave, tellement horrible que vous avez du mal à le croire. Le viol, c'est tellement atroce que vous vous dîtes que c'est rare et exceptionnel et que ça ne peut pas être vrai. Avez-vous donc besoin de preuves pour venir en aide à une personne violée ou abusée? Le minimum aurait été ,d'une part de croire Arnaud, et d'autre part de l'orienter vers des per-sonnes ou associations compétentes."

Cher Arnaud,

Dans ta lettre, tu dis que tu as été victime de viol. Je te crois parce que c'est toi qui le dis. Il n'y a que toi qui peut savoir que tu as été victime de violence sexuelle, et tu n'as pas besoin de la définition de Têtu pour le savoir. J'espère que la réponse de Têtu ne t'a pas découragé de parler à nouveau de ton histoire à quelqunE. N'hésite pas à exiger que les gens te croient et adresse toi à des personnes qui te croieront. Tu as aussi la possibilité de porter plainte, réfléchis-y.

Polytoxika