Une espèce dans espace: l'efféminé

Par Lexomylène van Cicatrice

sommaire du dossier "travestissement"

 

 

 




LES IMAGES PARLENT
Comme beaucoup d'autres cultures, la culture occidentale valorise le genre masculin, l'homme sportif, en bonne santé, avec la virilité comme façon d'être, d'apparaitre, de parler, de bouger, de penser, de se comporter publiquement et en privé, etc...

En valorisant les caractères attribués au genre masculin (les mecs), on dévalorise de fait les caractères attribués au genre féminin (les femmes) : faiblesse physique et psychique, nervosité, l'hystérie, la maladie, le complot pipletage lorsqu'un groupe de femmes se retrouve à discuter entre elles (Aujourd'hui certains se demandent encore ce que peuvent bien faire les féministes entre elles ? Ce que peuvent bien faire les lesbiennes entre elles ? etc...).
Les femmes seraient le négatif, le contraire, l'opposé de l'homme.

Ces traits de caractère, encore aujourd'hui attribués aux femmes, ont été attribués aux juifs, par exemple, du XIX siècle jusqu'au projet de la solution finale.

L'antisémitisme argumentait sa propagande à l'aide de dessins et d'images de juifs et de juives chétives, les doigts crochus, l'air sournois (la sournoiserie se réfère à l'idée de complot), maladif voire cadavérique (qui associait le juif à la maladie et la mort).
On disait, par exemple que les juifs propageait la syphilis, maladie sexuelle, transmissible et mortelle à cette époque.
De la même façon que ces dernières années l'épidémie du virus hiv a été attribuée aux homosexuels, par les hétérorristes.

Les images qui illustraient les textes de propagande ont contribué et permis d'entretenir, de répandre la haine contre les juifs et les juives.

De fait, sous le régime national-socialiste, il ne fallait ne pas être juifs ou juives. Il ne fallait ne pas être malades (beaucoup de malades, d'handicapéEs, ont été tuéEs dans les camps de concentration), il ne fallait pas comploter (beaucoup d'opposantEs au régime ont été déportéEs), etc...

Ces caricatures de juifs et de juives ont les mêmes caractères, les mêmes traits, que les caricatures de femmes dites sorcières que les cathos chassaient pendant l'inquisition.

Par ailleurs et en opposition à ces images qui stigmatisaient l'ennemie, le nationalisme véhiculait sa propagande à l'aide d'images d'hommes droits, debout, en bonne santé, virils, blancs, jeunes, imberbes et probablement hétérosexuels...
Une image pensée positive de la nation.

Ces images de la force masculine, de la virilité, ont été utilisées par diverses propagandes (nazi, nationaliste, communiste, cénétiste, antifasciste, etc...)

Comme si la valorisation d'un idéal devait passer par la valorisation de l'image du corps masculin, ou comme si l'image du corps masculin en bonne santé, jeune, etc, était l'emblème de la beauté, de la pureté, de la vérité ou de la force des idéologies.

A cette époque, et encore maintenant, le corps masculin n'a pas été, et n'est pas, qu'un outil de propagande idéologique, il est l'idéologie.

Dans ce monde qui nous saoûle quotidiennement d'images, le corps masculin, sportif, en bonne santé, jeune, etc, est l'image de notre société gagnante, libérale, post-capitaliste, etc...

Les exploits sportifs en football, en rugby et plus, les marques de fringues et de godasses de sport qui gagnent, le CAC 40, les voitures décapotables et autres signes extérieurs de richesse, les banques occidentales et les multinationales se portent bien.
La misère, les famines, les guerres, et la pauvreté extrême aussi. Puisque l'un ne va pas sans l'autre.

LE GAY, LA TAPETTE ET L'HOMOPHOBIE
Les revues gays produisent énormément de ces images d'hommes virils, jeunes, imberbes, en bonne santé physique et psychique, par l'intermédiaire des pubs, par exemple.

Ca m'emmerde parce que je suis petit, maigre, pauvre et jamais content. Je vieilli et ça me stresse, d'autant plus que la viande est vite périssable à gayland.
Que mes amours ne sont pas si roses.
Et qu'en plus je suis éfféminin.

En valorisant ce masculin, les images "gays" (ou caricatures) valorisent l'idéologie virile à l'aide de tout un tas de caractères, de comportements, de façon d'être ou de ne pas être :
- être masculin c'est avoir des couilles, être responsable, ne pas souffrir, être jeune, heureux, avoir des muscles, des épaules larges, se tenir droit, aller au sauna, avoir de la tune, baiser un max comme si c'était les jeux olympiques, avoir une bite d'au moins 21 cm (valeur sure, qui transforme les garçons maghrebins ou africains auxquelles il est attribué des superbites, un statut d'outil ou d'objet sexuel), etc...
- et ne pas être masculin c'est être comme les femmes, pas trop responsable, frivole, PBM (pas bien monté), etc…
Dans les revues gays c'est être folle, éfféminé, tapette, etc...

Les femmes et des lesbiennes y sont encore invisibilisées.

Ce qui ne fait pas beaucoup de différences avec la culture du monde dans lequel je grandis :
- tant au niveau des idéologies et de leurs propagandes, hétéronormalistes, nationalistes, valeurs viriles brutales, apologie de la santé et du corps masculin par le sport, etc…
- qu'au niveau de mon enfance, où dès le collège (vers mes 10-12 ans) je me faisais traiter de chochotte, minette, tapette, pédé sans même savoir à quoi ces insultes correspondaient.
Les revues commerciales gays, leurs images, leurs caricatures du masculin contribuent à perpétuer l'exclusion des tapettes :
Les tapettes, les folles, y sont visibilisées dans la négation, le péjoratif, comme quand j'étais môme au collège (à10-12 ans).
La négation des folles suggère l'exclusion.

Par exemple, au hazard, dans la revue "Le chevalier de la rose" numéro 25 d'août-septembre 1999, entre le 3615 KEVIN et les diverses autres images d'hommes virils, je trouve la page 28 des petites annonces avec 6 annonces anti-folles, ou éfféminés s'abstenir.

Le tout dans un contexte hétérogénéral où les folles ont toujours été caricaturées ou perçues comme caricatures. Comme si les folles, comme si les tantes, s'habillaient de plumes et de faux diamants tous les jours.
Comme si les folles et les tantes n'étaient que spectaculaires, sans émotion, sans existence, sans souffrance, toujours rigolotes. Une partie du décors de la scène gay.

A PROPOS DE L'EFFEMINE
Je préfère le mot éfféminin que le mot éfféminé.

Le mot éfféminé sous-entend une caricature, une imitation, un stigmate, une insulte, une déviance de la construction masculine, quelque chose d'abstrait, quelque chose de rajouté alors que des garçons peuvent être éfféminins dès leur enfance.

Le mot éfféminé ne reconnait pas l'entièreté de mes différences.

Alors que le mot éfféminin sous-entend que je puisse être aussi sensible, sous-entend que je puisse avoir des caractères qu'on associe généralement aux femmes :
- avoir envie de pleurer
- se sentir opprimé par les valeurs et la culture masculines.
- avoir envie de mettre du vernis à ongles parce que c'est beau
- avoir envie de mettre une jupe parce que j'aime ça, ou par opposition au dictat vestimentaire masculin, afin de ne pas y être assimilé.
- etc.

D'autre part, dans le mot éfféminin il y a féminin qui rend visible le féminin, comme construction sociale et comme construction de genres.
Etre éfféminin c'est me reconnaitre dans une construction sociale faite de mépris, d'exclusions, de violences verbales, psychiques ou physiques, comme le sont les femmes de la planète.
C'est reconnaitre l'oppression des femmes comme une petite partie de ma construction sociale, psychique et physique en tant que tapette, ou autre.
C'est me reconnaitre comme garçon malgré tout ou malgré moi, parce que je ne suis pas une femme.
C'est rendre visible qu'aujourd'hui les constructions de genres hommes/femmes sont binaires plurielles.
Binaires parce qu'elles restent basées sur la domination et la valorisation des caractères associés au genre masculin. Binaires parce que les caractères attribués au genre féminin y sont toujours dévalorisés. Binaires parce que c'est encore aux petits garçons qu'on offre l'habit de Zorro, et au petite fille qu'on apprend à faire la vaisselle.
Plurielles, parce que ces mécanismes fonctionnent entre les hommes et les femmes, mais aussi à l'intérieur même de la grotte des hommes, ou des petites boites gays.

Pour moi, être éfféminin c'est aussi ne pas me reconnaitre dans la propagande et les publicités gays.

POUR FINIR
En utilisant des images d'hommes virils, en laissant de la place aux petites annonces follephobes, mysogines, en visibilisant par la négation les transgenres, etc, la scène gay perpétue la domination masculine dont quelques-unes des particularités dans le monde dans lequel je vie restent la gayphobie, la lesbophobie, le mépris des femmes, des gros, des grosses, des personnes malades, des plus faibles, le mépris des différences, etc...

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