Il m'a fallu relire
"De remords et de malentendus, par Shit Peks" plusieurs fois pour m'assurer
du sens de ce qui s'écrivait là. Non pas parce que je suis plus sot qu'unE
autre ou que le texte soit mal écrit, mais parce que les arguments me
semblaient confus.
Il m'a fallu le relire parce que l'impression confuse de ces arguments
provenait probablement de mon refus de lire une évidence : le texte est
indigeste par rapport aux femmes et aux victimes de violences, de pouvoir
ou de dominations masculines.
J'ai lu et relu pour finalement m'apercevoir que ce texte transpirait
l'infamie des mâlentendants. J'ai lu et relu, et pourtant je ne peux pas
répondre à chacune des dégueulasseries inscrites sur ces pages. J'aurais
souhaité également ne pas trop isoler les phrases, auxquelles je fais
référence, de leur contexte. Mais c'est impossible. Yaka (re)lire le bangbang
2.
Enfin, pour introduire
ma réponse je souhaite reproduire la "Définition de l'opprimé"
de Christiane Rochefort, publiée dans la présentation de la traduction
française du SCUM MANIFESTO de Valérie Solanas (Paris, la nouvelle
société, 1971) :
"L'oppresseur n'entend pas ce que dit son opprimé comme un langage
mais comme un bruit. C'est dans la définition de l'oppression (...). L'oppresseur
qui fait le louable effort d'écouter (libéral intellectuel) n'entend pas
mieux. Car même lorsque les mots sont communs, les connotations sont radicalement
différentes. C'est ainsi que de nombreux mots ont pour l'oppresseur une
connotation jouissance, et pour l'opprimé une connotation souffrance.
Ou : divertissement-corvée. Ou : loisir-travail. Etc. Allez donc causer
sur ces bases."
SUR
LES MALENTENDANTS
Il existe au moins
deux types de mâlentendants :
- ceux qui pour des raisons culturelles, sociales, physiques ou économiques
n'ont pas accès à l'information, à la réflexion, à la connaissance d'un
sujet précis. Je peux me dire qu'il s'agit de mâlentendants objectifs.
- ceux qui ont accès à la connaissance d'un type précis d'information
et de réflexion parce que leur condition culturelle, sociale, physique
ou économique le leur permet. Ceux qui savent.
Je peux me dire que ce sont des mâlentendants subjectifs, des mâlentendants
volontaires. Ils cautionnent consciemment les structures des oppressions.
Ils résistent à la remise en cause. Leur résistance se fait au détriment
des femmes et des oppriméEs en général. Ils abusent de leur pouvoir.
Objectifs
ou subjectifs, les mâlentendants perpétuent l'oppression, les menaces
et les violences permanentes qui en découlent.
SUR
L'INFAMIE
Shit Peks ne veut rien
dire sur la violence patente, l'inceste, sur ceux qui menacent, etc...
Shit Peks ne veut rien dire sur les violeurs décidément méchants, stigmatisés
comme tels. Il cherche à démontrer qu'il y aurait deux types de violeurs,
les gentils et les méchants, les abuseurs et les violeurs, sans prendre
en compte le système sur lequel repose ces mécanismes de dominations masculines.
Sans prendre en compte les paroles des abuséEs ou des violéEs.
La hierarchisation
entre "viol" et "abus" cherche à effacer que l'un et l'autre sont des
exercices de pouvoir masculin.
Avec des gagnants et des perdantEs.
La référence au patriarcat n'apparaît nulle part, comme s'il n'existait
pas.
"Ce que
(il va) dire ne s'adresse pas à eux ni à leurs victimes". Il y aurait
aussi, et par conséquent, deux types de victimes, les victimes de viol
dont il ne veut pas parler, et les victimes "d'abus" dont il va parler
à leur place. Il y aurait deux types de victimes, celles qui ne veulent
pas, et celles "qui ne savent pas très bien".
Le propos de Shit Peks est "la violence sexuelle de ceux et celles ou
subie par ceux et celles qui ne savent pas très bien".
De quelles violences sexuelles de "celles" Shit Peks veut-il causer ?
Il faut être particulièrement ignoble pour faire apparaitre de façon symétrique
les violences sexuelles commises par des hommes en temps de guerre (le
viol est une arme de guerre contre les femmes et les peuples) comme en
temps de paix, à la ville comme à la campagne, dans la rue comme dans
la chambre conjugale (ou celle des enfants), avec les violences sexuelles
commises par des femmes, tout autant traumatisantes mais extrêmement moins
courantes.
La violence de "ceux" et "celles" tente de mettre à égalité les violences
masculines et féminines, les violences qui préservent et contribuent au
processus de domination masculine ("de ceux"), et les violences dont les
origines sont ailleurs ("et celles").
Est-ce que monsieur Shit oserait sysmétriser la violence des patrons,
des gestionnaires de la planète, de leurs armées, de leurs polices et
de leurs armes, avec celle des dominéEs, des peuples, des résistantEs,
des révoltéEs, des à-bout-de-nerfs, des pètes-les-plombs, etc... ?
Si non, pourquoi le fait-il à propos des rapports hommes/femmes ?
Si oui, pourquoi notre BangBang chéri s'emmerde à publier son texte ?
Son "propos
est la violence sexuelle de ceux et celles ou subie par ceux et celles..."
De la même façon que les violences sexuelles des hommes et des femmes
sont symétrisées, le "ou" pose les violences exercées "ou" subies sur
un plan horizontal, comme si elles étaient d'origine identique "ou" semblable
"ou" commune, comme si elle faisait partie d'un jeu dont les règles sont
connues de tous et toutes, ce que Shit Peks essaie de démontrer par la
suite.
Dans la réalité, les règles du jeu sont connues, imaginées, fabulées,
organisées et entretenues par et pour les hommes. Les victimes potentielles
ne les connaissent pas ou ne se les imaginent pas, c'est pourquoi elles
se ressentent victimes, offensées, abusées, détruites, souillées, déchirées,
amputées, blessées lorsqu'elles y sont confrontées.
Les violences sexuelles "de ceux et celles" sont une chose. Les violences
sexuelles subient par "ceux et celles" en sont d'autres. Les cicatrices
reconnaissent les leurs.
Il est difficle de parler des violences exercées et des violences subies
en même temps sans faire de gaffes, surtout si c'est pour descendre les
victimes.
Enfin,
la violence subie par ceux et celles "qui ne savent pas très bien" débilise
et décridibilise la parole des victimes. Quand je lis ça, je lis que les
victimes sont simplètEs, aliénéEs, un peu bébêtes, sottEs, pas totalement
finiEs...
Tout
au long de son texte, Shit Peks ne cherche pas seulement à défendre "l'innocence
d'un inculpé (qu'il) estime victime d'un malentendu", mais à l'aide de
tactiques argumentaires diverses, cherche à culpabiliser les victimes,
à responsabiliser les victimes des processus de victimisation, et à invisibiliser
les responsabilités réelles de l'acteur des dominations.
OK. Je
ne tiens absolument pas à conserver les victimes dans leur rôle de victime.
Cependant, c'est bien la reconnaissance du statut de victime, ou du processus
de victimisation, qui offre la possibilité de s'en sortir. Et c'est bien
la non-reconnaissance de cette victimité qui est destructrice.
OK. Les mécanismes de pouvoir sont complexes et ne s'inscrivent pas unique-ment
dans des schémas relationnels positifs et négatifs.
OK. N'empêche que c'est vraiment pourri jusqu'à la moèlle de faire porter
des histoires de violences par les victimes.
Crevure !
Je n'ai
pas envie de faire le preneur de tête (c'est déjà trop tard !!!) en disséquant
mot-à-mot ce que Shit Peks écrit. Je n'ai pas envie parce que l'erreur
est humaine, comme on dit, et qu'effectivement les choses et leur monde
ne sont pas aussi limpides que je, tu , elle, il, nous voulons (nous)
le faire croire parfois.
Seulement là, derrière une certaine confusion des mots et des idées, la
stratégie me semble claire: déculpabiliser l'auteur (l'innocent), l'acteur
des dominations, en chargeant la victime qui ne sait pas très bien. L'idiotE.
1957
Shit Peks emprunte
à Georges Bataille un texte de 1957 comme si rien ne s'était écrit, dit,
revendiqué, crié, lutté, chanté, filmé depuis.
Beaucoup de choses se sont passées : 1968, les années soixante-dix/septantes,
les mouvements de libération des noirEs, des femmes, des homosexuelLEs
qui, à leur façon, ont largement contribué aux débats oppression / oppriméEs,
dominants / dominéEs, rapports hommes/femmes, libéralisation des moeurs,
lutte contre le patriarcat, contre l'injustice entre classes ethniques,
sexuées ou sexuelles, etc…
Il s'est dit entre milles autres choses ce que je retiens de la référence
au livre "L'érotisme" de Georges Bataille, 1957 : tiens, encore un homme
qui parle de l'érotisme. Tiens, encore un homme qui parle à la place des
femmes. Tiens, encore un homme qui ne parle pas de sa place à lui.
Encore un écrit qui perpétue les paroles d'hommes, leurs imaginaires,
leurs fantasmes, les projections et leur conséquences.
Encore un écrit, instrument de pouvoir, de transmission des idéologies,
instrument de domination.
Il faut
que je relise encore sur le thème moisi de la "dérobade", que les femmes
sont tour à tour "courtisanes", "basse prostituée", "salopes", "objets
volontaires aux désirs agressifs des hommes", "passives", "en butte au
désir des hommes", etc... "à moins qu'elle se dérobe entièrement, par
un parti pris de chasteté". Elles ne sont donc pas toutes des salopes
! Elles peuvent être vierges. Pute ou madre.
Il faut que je relise qu'une femme qui dit NON dit finalement OUI.
Tiens, l'inquisition fait son coming back...
C'est dégueulasse !
Shit
Pecks, en utilisant Georges Bataille comme référent, ne remet pas seulement
la parole des femmes en doute. Dans l'absolu de sa démonstration sur "la
dérobade" il explique le "malentendu" qui explique le viol, voire "l'abus"
si l'abus est plus sympa que le viol...
Dire qu'une femme qui dit NON est une femme qui dit OUI légitime le viol
et les autres violences, sexuées ou non.
Il y
a beaucoup de choses que je m'explique et que je ne justifie pas. Dans
ce cas je précise que je ne justifie pas ce que j'explique. En lisant
et relisant la moisie démonstration sur la dérobade, nulle part je lis
s'il s'agit d'une explication ou d'une justification. Nulle part je lis
si l'apparente sournoiserie des femmes explique ou justifie le viol, ou
"l'abus" si l'abus est plus sympa...
Je lis que les femmes qui disent NON pour dire OUI sont des victimes plus
ou moins consentantes.
... Ou alors ma compréhension des choses est excessivement réductrice.
Je lis
que ce sont finalement les femmes qui sont sournoises, manipulatrices,
malignes, fausses (la dérobade), vicieuses à l'ancienne.
Georges bataille et Shit Peks partent à la chasse aux sorcières...
Je ne lis rien sur les hommes, comme si le maintien et la perpétuation
du pouvoir des hommes n'impliquait ni manipulation, ni lacheté, ni rien
de bien nocif.
Je lis
aussi l'horreur de se faire "insulter de Misogyne et de Macho par l'avocate
de la plaignante".
Je lis la tragédie des "avocats qui osent mettre en doute la culpabilité
de leur client (et qui) ont de tout temps été décriés par certains comme
complices du délit commis".
Shit Peks, prends garde à toi ! C'est un complot...
Je soupire.
UNE
HISTOIRE COMME LES AUTRES
Shit Peks fait référence à l'histoire de Maria et de Fernando, que je
ne connais pas.
Je lis : "Il est indéniable qu'une grande autorité émanait de lui. Il
est aimé par toutes les femmes qu'il aide et qui continuent à faire appel
à lui tout en connaissant les accusations dont il fait l'objet. Il est
leur sauveur. Comme le professeur de sport, comme l'enseignant, il était
une autorité pour Maria."
L'année
dernière, j'ai lu "SPORT & VIRILISME" de Frédéric Baillette, Philippe
Liotard, Marie-Victoire Louis et Richard Montaignac, aux éditions Quasimodo
& Fils. Et puisque Shit Peks fait référence à l'exemple du professeur
de sport pour nous expliquer les relations d'autorité de cet homme sur
cette femme, j'en profite pour pécho quelques extraits du livre* qui m'ont
aidé à capter encore un peu mieux les mécanismes de dominations des uns
sur les unes, et qui finalement se prêtent assez bien à l'exemple de Shit
Peks.
* Ce livre fait grandement référence aux viols de deux athlètes, Michelle
Rouveyrol et Catherine Moyon de Baecque, par quatre autres athlètes de
l'élite française du lancé de marteau, en 1991. Avec les encouragements
de l'entraineur national.
"L'entraineur
et son poulain : appropriation symbolique de l'athlète -(page 126/127)-
Ce que traduit notamment le témoignage de Clémence, c'est le lent travail
par lequel se construit la dépendance à l'égard de l'entraîneur. Elle
montre de manière exemplaire, que les violences sexuelles ne sont que
l'aboutissement d'une logique redoutable et insidieuse."
"Pointe
ici l'idée d'une appropriation de l'athlète. Quand il en parle, l'entraineur
utilise des adjectifs possessifs : mon athlète, mon gars, mon équipe,
mes filles, etc. L'appropriation symbolique passe par le langage le plus
habituellement utilisé pour dire une relation de nature technique. De
même, les résultats obtenus renforcent l'idée de possession. Les performances
réalisées par l'athlète sont attribuées à l'entraineur à qui l'on suggère
ainsi une sorte de droit de propriété, voire de droit de jouissance. Le
profit symbolique qu'il en retire provient d'un usage du corps de l'athlète
légitimé par la logique sportive.
L'emprise est d'abord une rencontre qui devient une liaison particulière,
basée -pour des raisons ici expressément fonctionnelles liées à la production
de performance- sur la recherche de "l'ascendant ou (de) l'influence d'un
individu sur un autre" (Marie-France Hirigoyen). Aussi n'est-il pas abusif
d'affirmer que l'entraîneur possède l'athlète dans tous les sens du terme.
C'est ce qu'il faut avoir à l'esprit pour comprendre pourquoi il est possible
de se soumettre à l'inacceptable lorsqu'on est sous emprise."
"Domination
affective : athlètes sous influence - Car l'influence exercée par
l'entraineur ne se résume pas à un apport technique. L'emprise s'exerce
d'autant plus fortement qu'elle est traversée par un investissement affectif
réciproque. Se joue alors un double transfert dans lequel l'entraineur
projette ses propres désirs sur l'athlète qui l'investit en retour à travers
le processus d'idéalisation. C'est ce qu'illustre Clémence quand elle
affirme : "Aujourd'hui encore, je le considère comme le meilleur entraineur
que j'ai connu, meilleur que l'entraineur national".
L'idéalisation fonctionne à partir de l'image idéale que renvoie l'entraineur,
image survalorisée par sa compétence technique."
"Un attachement
réciproque s'élabore sous l'effet du travail commun et des progrès qui
en résultent. L'athlète attribue ces derniers à l'influence technique
bénéfique de l'entraineur qui admire en retour la réceptivité et la maléabilité
de son poulain."
"De la délégation
d'autorité à l'abus de pouvoir -page 130- Car l'entraineur incarne
à la fois l'institution, le savoir, la compétence, et assure une fonction
protectrice. La société lui accorde une présomption de moralité. Lorsqu'ils
lui confient leurs enfants, les parents placent sous l'autorité d'un individu
au dessus de tout soupçon d'autres individus qui se construisent dans
la dépendance à son égard."
"Les violences
sexuelles prennent racines dans tous ces lieux structurés par des rapports
de domination et plus particulièrement par ceux de la domination masculine.
La spécificité de la relation entraîneur-athlète est imprégnée de cette
structuration. En conséquence, tout ce qui se joue entre les séances techniques
ou compétitives (les plus visibles) est susceptible d'être investi par
des agressions d'autant plus inattendues que la confiance en l'entraîneur
est partagée par l'athlète et ses proches.
La familiarité créée par la relation entraîneur-athlète peut y conduire
lorsque les frontières s'abolissent entre le public et l'intime."
"Construction
de la domination sportive" -page 156- "Il est donc impossible de comprendre
les violences sexuelles faites aux femmes dans le sport (comme ailleurs)
sans tenir compte du rapport de domination masculine, entretenu par le
virilisme, idéologie de l'imposition physique, du plus fort, du plus violent,
du plus brutal.
Le virilisme fonctionne, en effet, de manière latente dans tous les domaines
déterminés par le pouvoir masculin."
C'est
ce que je crois lire de l'histoire finalement comme les autres de Maria,
19 ans, non-sportive mais dans une situation sociale ultra-précaire, et
livrée à une personne certainement compétente et reconnue.
C'est ce que je crois lire de Fernando, non-entraineur mais personnage
reconnu, respecté, "aimé par toutes (diantre !) les femmes qu'il aide
et qui continuent à faire appel à lui", avec une situation sociale apparemment
plus confortable que celle de Maria, avec un rôle d'autorité.
SHIT
PEKS : DOCTEUR ès VOMIS
Shit Peks nous dissimule,
tout au long de son texte, que les relations sociales, sexuelles, économiques,
politiques ou culturelles sont basées, organisées et dominées par les
hommes. Et c'est bien dommage...
Il nous dissimule les
constructions de genres, les rôles domestiques, et c'est bien dommage...
Et il aurait été ingénieux de rappeler que les violences sexuées et sexuelles
(menaces, bizutage, abus, viols, etc) font partie d'un processus global
de violences physiques, psychologiques et psychiques dont certains (beaucoup
d'hommes) s'attribuent le droit d'exercer pour maintenir et perpétuer
leur pouvoir.
Shit
Peks parle à la place d'une femme qui probablement "ne sait pas très bien",
puis nous tarabiscote une histoire de dégoûts et de remords pour défendre
un abus, parce que "viol" est un peu fort.
Nos dégoûts et nos remords sont certainement les produits de notre éducation.
Education patriarcale qui a toujours nié le féminin, comme le fait George
Bataille en 1957, comme le fait Shit Peks dans son texte. Education patriarcale
qui organise les constructions sociales des petits garçons et des petites
filles.
Oui que la morale nourrit et pourrit tout ça.
Il est à mon avis honnête de le prendre en compte pour expliquer une situation.
Il est odieux et malhonnête de le faire pour écrabouiller une victime.
Alors,
dégoût ou nausée ?
12 juin
2000
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