échange de courriers

Messieurs,

nous n'avons toujours pas compris ce qui est arrivé samedi soir dernier lorsque nous avons été jetés à la rue comme des malpropres. Qu'avons-nous dit de si grave et insultant pour être mis à la porte en pleine nuit avec nos bagages, sans moyen de transport?
       De plus pourquoi ceux qui avaient quelque chose à nous reprocher n'ont-ils pas eu le courage de nous le dire en face? Ce sont deux " timides " qui ont dû faire le sale boulot! Un peu mesquin et infantile, non? Le fait que nous ayons payé la totalité de notre séjour et surtout, le prix fort l'après-midi même, n'est-il pas étranger à ce fait? Si ce n'est pas le cas, veuillez verser le solde, en forme de don, aux " amis de Bonneuil " de notre part. Merci.

D. et A.
(les seuls, sûrement, qui savent véritablement ce que VIOLENCE et VIOL veulent dire)

Cher D., cher A.,

je pensais bien que vous n'alliez pas comprendre pourquoi j'ai éxigé, ce samedi-là, votre départ de La Croisière. Je suis contente que vous ne vous soyez pas opposés à mon exigence puisque cela aurait certainement causé des heures et des heures de débat de fond en comble, débat qui m'était insupportable de partager avec vous. Oui, je n'ai effectivement pas toujours envie de m'expliquer, de me justifier quant à des blessures qu'on vient de me faire subir. Je n'ai pas envie de souffrir.
J'ai exigé votre depart parce que je pensais bien que vous n'alliez pas comprendre, que vous n'ailliez pas me comprendre, moi, survivante de violence sexuelle. Afin de limiter mes souffrances, j'ai préféré me taire au lieu de vous " le dire en face ". J'ai préféré pleurer un bon coup, seule dans un coin, au lieu de vous " affronter " dans la discussion comme il se le doit pour un vrai mec (un genre de discussion de mecs que je connais trop bien: ça peut partir dans tous les sens et tourner en rond pendant des heures, tout pour savoir finalement qui a raison). J'ai préféré être la faible tarlouze pleurnicheuse. Je m'en fiche de savoir si j'ai tort ou non. Là n'en est pas la question pour moi lorsque je me sens blessée au plus profond de mon humble personne. Je n'ai pas envie de souffrir.
Puisqu'il ne s'agit, pour moi (et je ne peux parler que depuis ma place à moi), pas d'une question de tort et de raison, je ne répondrai pas à votre première question. Ce n'est pas des mots qui m'ont blessé, c'est plutôt votre refus de vous remettre en question. Le fait que vous ne comprenez pas que vous avez blessé plusieures personnes dont cinq survivants de violence sexuelle, à La Croisière IV, est significatif. Peut-être arriverez-vous un jour à comprendre. Cela peut s'apprendre, j'en suis persuadée. Vous pourriez commencer par apprendre à ne plus couper la parole aux autres. Cela serait un premier pas. Je vous souhaite bonne chance puisqu'il reste pour vous beaucoup de boulot. Cela peut vous paraître comme du " sale boulot " mais c'est un boulot que personne ne peut faire pour vous. Si vous êtes décidés à faire ce boulot, vous arriverez certainement mieux à eviter de blesser autrui.
J'ai préféré ne pas vous " le dire en face ". Vous auriez voulu entendre des " reproches ". Mais je n'en avais point à vous faire. Personnellement, malgré mes larmes, je n'ai rien contre vous deux. Des mecs comme vous, j'en croise tous les jours, j'ai l'habitude de les supporter. Mais je ne veux pas leur laisser une place à La Croisière. Vous êtes comme tous les autres mecs qui ne comprennent pas, comme ces mecs nombreux dont parle Violetta dans BangBang2. C'est dans la discussion qu'elle a été blessée... par un mec comme vous. Moi, je n'avais pas envie d'être blessée une fois de plus et j'ai préféré me taire. Mais j'avais pourtant l'énergie de vous faire partir. Je me sentais beaucoup mieux à partir de ce moment-là.
Accepter mon exigence et partir de la Croisière IV, n'a pas dû être agréable pour vous, je l'avoue. Mais pour moi c'était le seul chemin viable à ce moment-là que de vous faire partir immédiatement afin d'éviter le cauchemard. Le sujet de la violence sexuelle est très délicat et peut même être dangereux. Il a besoin d'être géré avec clarté. Et à mon avis, La Croisière IV a bien géré. Mon exigence a été soutenue par presque toutes les Croisiéristes et c'était un moment très fort pour moi.

J'espère que vous ne resterez pas fachés trop longtemps contre moi et qu'après avoir digéré les émotions, vous comprendrez un peu mieux.

Nuttella de Lirio,
artiste prostituée

      Tous aveuglés par votre souffrance, vous n'avez pas voulu VOIR. Personne n'a cherché à savoir ce que nous avions vécu, NOUS, comme violence (il y a longtemps ... peut-être). TROP EGOÏSTES (sûrement)! La grosse différence avec "la Croisière" c'est que nous avons VOULU FAIRE et fait le chemin jusque au bout de cette souffrance, bu le vin jusqu'à la lie et nous avons enfin, aujourd'hui, découvert le PARDON.
Ne pas oser se regarder face à face, dans les yeux, c'est être lâche. Nous sommes parti pour ne plus être au milieu d'eux. Adieu,

D. et A.

Cher D., cher A.,

votre réponse reste malheureusement assez peu clair, de sorte que je n'arrive pas très bien à la comprendre. Ce que vous avez vécu dans le passé, je l'ignore puisque vous m'en avez pas parlé. Mais ne reste que vous avez réussi à blesser des gens à La Croisière IV.

      Méprisez moi pour ce que vous appelez "lâcheté", si ça vous amuse. Contrairement à vous, je n'ai jamais découvert le pardon, il ne me sert à rien. Je ne suis pas crétien. Une blessure, ça cicatrise. Mais elle ne disparaîtra pas. Je n'ai rien à vous pardonner, j'ai juste l'espoir de ne pas revivre ce genre de blessures à La Croisière.

Adieu,


Nuttella de Lirio

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