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Est-ce
parce que je me suis mis dernièrement a réfléchir
a mon coming-out que j'ai fais il y a cinq ans?
Je ne sais pas mais toujours est-il que j'ai écrit à mon
père, le patriarche, ce que je n'avais jamais fait.
J'ai voulu publier cette lettre parce que ça m'aide et me fait
du bien et parce que c'est aussi la lettre d'un PD a son père:
Salut,
Il m'a fallu pas mal de temps pour décider d'écrire cette
lettre. Du temps que j'ai utilisé pour la réflexion surtout.
La dernière fois que l'on s'est vu, je t'ai dit qu'il y avait un
malaise dans notre relation que j'avais besoin de verbaliser. Ton étonnement
signifiait d'ailleurs que tu ne l'avais pas perçu, ce qui ne m'étonne
pas trop finalement.
Tu as bien du percevoir quand même que notre relation n'est pas
formidable pour ne pas dire quasi-inexistante (sinon au travers des liens
de filiation qui unissent traditionnellement et de façon bien-pensante
un-e enfant-e a ses parents) et qu'il en a toujours été
ainsi.
Oui, je me pose des questions sur la valeur et la portée des liens
soi-disant d'amour qui unissent les parents et les enfants.
Oui, je me demande ce que veut dire cet amour, ce qu'il représente
pour l'une et l'autre partie. En ce qui nous concerne, je ne souhaite
pas ici m'étendre sur la relation que nous avons eu dans le passé.
Bien que je ne crois pas que l'amour d'un-e parent-e pour son enfant-e
se borne a lui assurer un bon avenir professionnel, un toit et de quoi
bouffer tout les jours. En schématisant, c'est un peu ainsi que
je l'ai vécu.
Oui, aujourd'hui je veux nuancer cet amour que tu dis avoir pour moi.
Il ne s'agit pas de dire "je t'aime" et puis basta on ne change
rien.
Mais ce qui m'intéresse de discuter, ce sont les propos que tu
as tenu sur l'homosexualité (puisque c'est de ça dont il
s'agit) un soir de l'été dernier alors que je vous avez
invite, maman et toi, a venir manger chez moi. Je ne sais pas si tu t'en
souviens mais pour te rafraîchir la mémoire, je te cite presque
mot pour mot: "L'homosexualité est une maladie sociale qui
participe a la déchéance actuelle de la société."
Pour moi, il est évident que ta soi-disant tolérance envers
mon homosexualité (tu penses que le fait de ne pas m'avoir foutu
a la porte te rend tolérant, tolérance que je considère
d'ailleurs comme un autre aspect de l'oppression homophobe de la société)
n'enlève rien au caractère fasciste de ces paroles.
Bien sûr je sais que tu penses que cette vision est extrémiste
et c'est bien la le problème mais je ne me justifierai pas sur
ce point. Apres cette soirée, tu as fait comme si de rien n'était,
comme si rien d'important n'avait été dit ce soir-là.
Et moi-même je n'ai pas su réagir sur le moment.
Aujourd'hui, je trouve la force et j'espère qu'après cette
lecture tu auras compris que moi, je ne peux pas faire comme si rien ne
s'était passé.
Ma réaction première a donc été l'éloignement
comme tu as sûrement dû t'en rendre compte. Aujourd'hui, je
ne supporte plus le fait que tu ne sembles pas avoir conscience des causes
de cet éloignement ni du mal que cela peux faire d'entendre des
mots pareils, qu'ils soient de toi ou de quelqu'un d'autre. La seule différence
c'est que si quelqu'un d'autre m'avait dit ça chez moi, je l'aurais
insulté, lui aurais craché a la gueule et je l'aurais foutu
a la porte. Je ne peux pas faire ça en ce qui te concerne et c'est
pour ça qu'une telle situation ne doit pas se représenter.
Tes paroles ne sont malheureusement que le reflet de la pensée
moralisatrice et profondément homphobe si répandue dans
notre société "démocratique et égalitaire".
Cette pensée est responsable du mal-être, des dépressions,
de la solitude des personnes qui, comme moi, ont une sexualité
différente. Elle est responsable de nombreux séjours en
hôpitaux psychiatriques et de suicides.
A cause de tout ça (entre autres), elle m'est insupportable, de
qui que ce soit qu'elle vienne...Il est évident que je ne peux
pas entretenir de relation avec des personnes qui pensent ainsi. Et tu
auras compris que nos liens biologiques ne changent rien a ça.
En fait, que tu m'aies dit ces mots m'a au moins permis de me rendre compte
de tout ça et en écrivant cette lettre de clarifier certaines
choses pour moi, puisque c'est surtout pour moi que je le fais vu que
je ne souhaite plus que notre relation s'améliore. Il est trop
tard. Je ne fais que dresser un constat. Et ce que je constate c'est qu'il
faut arrêter de se voiler la face! Tu n'aimes pas les pédés,
comment peux-tu dire que tu m'aimes. Tu devrais te poser la question!
Voilà, j'espère que tu as compris que cette lettre n'est
pas accusatrice et ne vise pas à te culpabiliser, j'ai déjà
dépassé ce stade. Elle vise plutôt à t'expliquer
pourquoi je considère que nos liens ne m'apportent rien.
Cette lettre te paraîtra sûrement dure et te fera peut-être
du mal mais ça n'est pas son objectif et elle était nécessaire
pour mon bien-être a moi et pour me débarrasser de mes vieux
fantômes.
Elle n'a pas été facile a écrire mais au moins maintenant
tu sais ce que je pense sur notre relation et tu ne pourras plus faire
comme si tu ne savais pas.
Cette lettre n'appelle évidement pas de réponse.
Anonyme
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