Rien ne se demande, tout se prend ou s'apprend

sommaire du dossier COMING OUT

J'avais déjà lu Erich Fromm (" L'art d'aimer ") à l'âge de dix-sept ans, ça m'a drôlement peu aidé. Mais lorsque j'ai enfin réussi à faire mon coming-out trois ans plus tard, j'ai pu recourir à une association gay dans la ville où je venais de m'installer après avoir quitté la cage familiale. J'étais bien timide, j'avais peur mais j'étais curieux. D'abord j'ai téléphoné à cette association pour qu'on m'envoie des infos sur les activités locales. C'était une sensation étrange puisque le pédé à l'autre bout du fil devait forcément me prendre pour un pédé, ça me gênait mais j'étais convaincu de pourvoir surmonter cette gêne bientôt. Et le pédé m'a encouragé de plutôt passer à l'association pour choisir les infos qui m'intéressaient. Il avait finalement raison, je devais me l'avouer. La semaine d'après, il m'a fallu tout mon courage pour aller rejoindre le groupe coming-out de la même association. L'endroit était laid, une salle froide sans déco mais fonctionnelle pour les différents groupes et associations qui se partageaient le lieu. Je ne disais rien. On était là autour d'une table, une quinzaine de jeunes pédés, tous le même besoin de parler de notre coming-out en cours, de notre homosexualité. De grands silences alourdissaient encore l'ambiance. On a fini par quand même avoir une discussion. La majorité des gens n'y participaient qu'en écoutant. Sans avoir su vaincre ma timidité, j'étais sûr de revenir la semaine d'après. J'étais si content d'être parmi des garçons qui vivent la même galère. Lors d'une réunion ultérieure, j'ai enfin parlé, pour la première fois je parlais de moi, de mon intérieur, juste un peu. J'étais curieux et fasciné des histoires de coming-out des autres. Ça me rassurait tellement de simplement écouter. Et un jour j'ai raconté ma propre histoire, une première version, d'autres allaient suivre. Par la suite, c'était très important pour moi de raconter mon coming-out. Cette histoire, c'était vraiment moi. C'est différent chaque fois de raconter son histoire. Chaque fois c'est une nouvelle version.

J'avais tout plein de choses à apprendre. Je n'avais par contre jamais appris à oser poser des questions. J'étais perplexe quand on m'a expliqué le SM. J'ai appris à embrasser. J'ai appris le sexe, et il m'a bien fallu du temps. D'abord il fallait que j'accepte que quelqu'un me touche. Je ne trouvais pas beau un corps à poil, pourquoi alors le toucher... Je voulais toucher sa bite que je ne trouvais jamais belle à regarder. Je voulais qu'il me touche la bite et en même temps j'en avais peur. J'adorais la branlette. Les garçons voulaient toujours plus, je ne comprenais pas. Je me laissais quand même faire malgré que ça me faisait pas vraiment des effets d'avoir une queue plus ou moins mal lavée dans la bouche. Résultant de l'obstruction pharyngeale, mes problèmes respiratoires mettaient fin régulièrement à des tentatives de fellation active. Encore moins excitant pour moi était le Cul, ni le mien, ni le sien. Et toutes ces complications avec les capotes. Me faire baiser, ça ressemblait pour moi à la torture. Et pénétrer le cul d'un mec, un trou d'une laideur inouïe... Et puis j'essayais de faire ce mouvement bizarre des hanches, ce va-et-vient fatigant... Et puis ça pue la merde... Il fallait que j'apprenne à savoir ce que je voulais et ce que je ne voulais pas. Le premier cul que mes lèvres et ma langue ont vraiment su savourer cet intrigant trou du cul et ses alentours finement peuplés de velours, c'était le cul d'un squatter d'une autre ville. J'admirais ce garçon. J'aurais voulu être comme lui: beau, grand et fort, un vrai mec, et en plus il était vraiment cool... Il a fallu que j'accepte mon corps, je ne savais pas comment. Bon, j'ai quand même appris à plaire aux mecs, à flirter et draguer. Il fallait que j'apprenne le plaisir physique, notamment sexuel. J'ai petit à petit appris les plaisirs du sexe anonyme des parcs et des saunas, le plaisir des câlins, le plaisir de se faire enculer, et celui d'enculer. Lors de ma troisième expérience de couple, j'ai enfin compris que la fidélité me faisait chier à tous les niveaux. Mais un ex-copain me reprochait de ne pas être capable de vraiment aimer. Je lui donnais raison, et j'étais mal... Je n'avais pas encore compris que la fidélité et la jalousie étaient des conceptions surmontables. Et la tendresse, je l'ai d'ailleurs apprise avec un autre squatteur... Avec lui, elle était soudain présente partout, même dans le métro. J'ai appris à me promener main dans la main entre garçons, j'ai appris à me faire sucer la bite dans les " tasses ".

 

Par Arlette des Jeunes-Rives

 

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