Le suicide repoussé

sommaire du dossier COMING OUT

Mon coming-out a été assez difficile? Difficile? Ça ne veut rien dire. Car difficile par rapport à quoi, à qui? Aux autres Pds? Souvent, dans les discussions, on soulève la question de savoir si c'est plus dur pour un PD ou pour une gouine, si c'était plus dur pour les générations précédentes, etc. Pourtant la réponse nous sert à rien, me sert à rien. Penser que ça serait peut-être plus difficile encore pour telle ou tel autre, m'aurait en rien aidé. Qu'est-ce qui m'a donc aidé? Je pense que c'est très certainement mon arrivé en ville. La vie à la campagne n'avait su que retarder mon coming-out. Oui, j'ai l'impression d'avoir fait mon coming-out bien tard. J'aurais pu commencer à respirer et à vivre beaucoup plus tôt...

...Et non. J'avais trop peur, peur de tant de choses et de tant de gens, peur des violeurs, peur d'être un pédé. J'avais peur de ma famille. J'avais peur que quelqu'un puisse me refuser mon statut social d'hétéro qui m'était bien cher. J'avais peur de mon directeur d'école et de mon père. J'avais peur des pédés parce qu'ils était des pédés susceptibles de me prendre pour un des leurs. J'avais peur de mes amis hétéros. J'avais peur de ne plus avoir d'amis. J'avais peur de mes désirs sexuels. J'avais peur qu'on me touche. J'avais peur d'être malade. J'avais peur des mecs. J'avais peur de la tendresse. J'avais peur de l'amour. J'avais peur de poser des questions. J'avais peur qu'on me pose des questions. J'avais peur de dire oui. J'avais peur de dire non. J'avais peur des questions que je ne me posais pas. J'avais peur de peut-être éprouver du désir. J'avais peur de me suicider. J'avais peur d'avoir peur.

Ah, en y repensant... Je crois que mon coming-out a été quand même beaucoup plus difficile que celui de pas mal de machos. Et alors, ça veut dire quoi? Bon... bref... je n'ai pas envie de me casser la tête pour des questions de statistiques. Mais je connais un garçon, depuis longtemps, qui vient de faire son coming-out à l'âge de 30 ans. Ça me fout les boules. Ça fait des années qu'il squattait avec les mêmes hétéros qui lui n'ont pas permis, quelque part, de faire son coming-out plus tôt. Ça me fait toujours chier de voir que des gens gâchent une bonne partie de leur vie à hésiter de faire leur coming-out. Et encore aujourd'hui, j'envie les gens qui font le font à 14 ans.

Dans plusieurs pays occidentaux, des pédés et des gouines vont dans les écoles pour en parler aux étudiants afin d'améliorer les conditions qui rendent difficile le coming-out. En francophonie européenne, des projets dans ce sens sont en train de naître en Belgique et en Suisse. En France, on se repose sur les laurier du PACS en luttant un peu contre l'homophobie, une lutte qui semble aboutir plus facilement à une collaboration avec les flics qu'avec l'éducation nationale.

En faisant mon coming-out, j'ai donc choisi de retarder mon suicide.

Par Sissy, Impératrice du Désert

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