Entretien
avec Demet Demir, Demet Demir habite Istanbul et lutte depuis 22 ans pour la reconnaissance des droits des minorités sexuelles en Turquie. Pendant ce temps, elle a été emprisonnée deux fois, sans parler des harcèlements constants des autorités. Parallèlement, Demet s'engage dans des groupes féministes et écologiques, elle est membre d'un parti politique (ÖDP, parti de la liberté et de la solidarité) et de l'association des droits de l'homme (IHD). Elle a cinq chiens et huit chats. >Comment les transsexuelles vivent-elles en Turquie? Il y a eu énormément
de changements pendant ces vingt dernières années, avec
beaucoup de répression. A mon avis, la situation était meilleure
avant le 12 septembre 1980 (date du coup militaire). Après, nous
étions exposées à des poursuites, on nous a rasées,
battues et exilées dans de divers coins de la Turquie. Il n'y avait
pas d'autorité où déposer plainte - c'était
une dictature militaire. Jusqu'à présent, ça n'a
pas trop changé. Si le gouvernement recherche une amélioration
depuis quelque temps, c'est uniquement en vue d'entrer dans la Communauté
Européenne. Les transsexuelles n'ont d'autre perspective professionnelle
que la prostitution. Ainsi, nous avons perdu beaucoup d'amies, 30 ou 40
personnes ont été tuées sur l'autoroute la plus importante,
l'E5. Cette année-ci, déjà 9 pédés
ou transsexuelles faisant le trottoir ont été assassinéEs.
La justice n'éclaire que très peu de ces cas - 10% uniquement
comparés aux 60% des cas où la victime est hétérosexuelle. >Cette discrimination professionnelle est-elle due à une loi? En Turquie,
il n'y a pas de loi interdisant l'homosexualité. Mais c'est >De telles choses te sont-elles arrivées, à toi? Je peux dire
qu'il n'y a pas de forme de torture que je n'aie pas connue. Un vieux
proverbe turc dit: Ce qui est m'arrivé à moi, n'arriverait
même pas à un poulet rôti.Une chose très importante,
c'est donc les procès que j'attends. Depuis dix ans, je suis engagée
dans un procès avec un officier de police qui m'a torturé
et qui est mon ennemi personnel. On ne nous a même pas admis à
la première audition, ses amis nous ont bousculées et retenues.
Maintenant, les débats sont prévus pour le 19 octobre. Ce
procès est très important, ce type a torturé, il
a battu beaucoup de personnes avec des tuyaux d'arrosage, pour cela on
l'appelle Hortun-Süleyman. Beaucoup de personnes ont perdu leurs
maisons à cause de lui, il y a mis feu. Si nous gagnons ce procès,
ce sera une grande satisfaction morale pour nous. Nous aurons prouvé
que nous transsexuelles, nous avons été soumises à
la torture. La pression unie des organisations internationales sur les
autorités turques peut entraîner une condamnation, sinon
elles pourraient faire valoir la prescription et arrêter le cas.
L'accusé s'en tirerait sans punition. >Quelle publicité ce cas reçoit-il en Turquie? Il y eu un grand écho dans les médias. L'année passée, une vidéo a été publiée qui montre cet officier de police en train de battre une autre transsexuelle avec des tuyaux. Ça a fait un effet de tonnerre dans les médias turcs, les journaux en ont écrit pendant des jours, les télés ont montré des extraits de la vidéo. Le procès a également eu une grande publicité, mais la pression internationale est néanmoins nécessaire, tenant compte du fait que l'entrée dans UE est un but politique important de la Turquie. >Où trouves-tu la force de continuer la lutte malgré toutes ces difficultés? C'est en rapport
avec mon histoire personnelle - Dans ma jeunesse, je me suis engagée
comme socialiste, ça m'a donné un esprit rebelle et querelleur.
Quand j'ai commencé à me battre pour les droits des transsexuelles,
je l'ai fait dans la même attitude. Coûte que coûte,
je n'hésiterais jamais. Ça, c'est ma militance. Par contre,
je suis inquiétée de voir la plupart des transsexuelles
en Turquie complètement apolitiques et intéressées
uniquement à l'argent. J'ai beaucoup fait pour les motiver à
lutter pour leurs droits. Même si tu n'as pas d'argent, tu peux
t'engager pour ta cause - j'en suis l'exemple vivant. |