Pour en finir avec l'idée de prince charmant (PC)
sommaire dossier "Un jour mon prince viendra..."

Vous avez dit PC ? Amusant, sans aucun doute, de reprendre à notre compte ce fantasme hétérosexuel de la perfection. Loin d'être personnellement horrifie par ce rôle persistant et incontournable ment sexiste du beau mâle à cheval, condamné à sauver une non moins séduisante dormeuse qui, au mieux, spolie le dîner de sept braves travailleurs, au pis, se cantonne à faire des ménages pour survivre, avant d'être contraint au mariage et à la procréation sauvage (à croire que les seuls revenus des PC leur viennent des allocations familiales), je me pose quelques questions existentielles sur la teneur symbolique de nos contes de fées.

La caricature du PC me semble toute contenue dans l'expression "ce n'est pas mon type", exprimant de façon plus heureuse la monstruosité d'un corps qui ne nous attire pas : trop laid, trop vieux, trop grand, trop petit...le PC n'est que l'image embellie de nos velléités les plus perverses, de notre recherche incessante de l'esthétisme comme fin en soi, de nos discriminations les plus honteuses.

Mais, notre héros ne nous ferait-il pas oublier que nous ne sommes pas de belles princesses en puissance. Car, pour réclamer la perfection, il faut se croire irréprochable. Aussi, bien généralement, les critères de perfection que nous réclamons de notre PC sont croissants avec nos propres qualités.
Une personne difforme et repoussante se contentera d'un alter égal attentionné et aimant ; une beauté des îles réclamera un peu plus que ces caractéristiques basiques. Le PC n'est donc pas seulement le traducteur de nos normes étriquées, il constitue surtout le miroir de notre propre perfection, celle que nous avons de nous-mêmes, celle que nous offrons aux autres.

Croire au PC ne conduit-il pas à passer à coté de mecs formidables ? Nos attentes normatives nous poussent à refuser tel ou tel sous prétexte qu'il est trop gros ou qu'il n'a pas un sexe assez long. De ce fait, nous stigmatisons, nous rejetons, reproduisant les mêmes schémas d'exclusion que ceux que nous combattons. Nous courrons après un mythe, en quête d'une arlésienne qui nous obsède, Graal de tous nos fantasmes inassouvis, triomphe de nos frustrations les plus profondes. Quand cesserons-nous de nous comporter comme des enfants? Ne sommes-nous pas assez murs pour comprendre les sous-entendus de ces contes de fées ? Il n'y a pas de feu sans fumée, pas de PC sans sorcière, pas de grand-mère sans loup.

A supposer que ce PC existe, que feriez-vous en le trouvant...toute médaille a son revers. Se donner les moyens de parvenir à ses fantasmes c'est aussi se condamner à en supporter les complexes. Vivre avec son idée de perfection, voila bien un calvaire plutôt qu'un plaisir. Et pourtant, combien de Sysiphes se sont condamnes eux-mêmes à pousser éternellement leur rocher, combien de prophètes devront, à vie, porter leur croix...cette recherche tous azimuts de la perfection est la route qui mène à la servitude: esclaves de nos normes abettissantes et moralisatrices, nous recréons ex nihilo de hiérarchies inacceptables.

Je me garderai de tout conseil, de tout sermon. Mais je garde à l'esprit l'envie de considérer chaque amant, chaque nouveau plan-cul, comme un PC potentiel, m'abandonnant à mes désirs, occultant les imperfections. Refuser une construction a priori de l'image - idéale - de PC, n'est-ce pas se protéger des jugements les plus scandaleux.

Par Mademoiselle Aurèle


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