Chacun cherche son prince
sommaire dossier "Un jour mon prince viendra..."

Premiers émois...

Quand j'étais petite, ma mère m'amenait au ciné chaque année pour voir le dernier film Disney. Ca a duré toute mon enfance. Je peux dire que j'en ai vu un paquet et je ne sais pas si c'est pour ça mais j'ai développé un goût particulier pour les contes de fée ou autres. En tant que petit garçon, j'étais tellement mal dans ma famille, mon école, dans ma vie que ça me permettais de m'évader je suppose et d'être l'héroïne d'une histoire au moins de temps en temps. Ce qui me séduisait le plus c'était de lire que finalement, même si sa vie était à chier, la princesse finissait toujours par être heureuse et par être sauvée par son grand amour: le Prince Charmant. Je croyais dur comme fer que la même chose se passerait pour moi.
Ma sexualité, j'ai commencé à la vivre pas très jeune: 19-20 ans. J'ai eu tout le temps de lire des tonnes de contes et de me faire une idée assez précise mais pas très originale de ce que je voulais que soit mon premier boyfriend: très mec (pas une tarlouze!!), cheveux courts, plutôt bien foutu, protecteur, fidèle, arrogant, aimant… une vraie horreur de prince charmant koi.
Samuel: mon premier prince charmant. Je suis tombé amoureuse tout de suite. Je voulais que ça dure une éternité. Ca a duré deux semaines: il m'ennuyait. Ca n'était pas du tout l'idéal que j'imaginais et j'ai mis un moment à me remettre de ma déception. Je ne comprenais pas pourquoi ça ne pouvais pas être aussi simple que je le voulais. Tout mon imaginaire amoureux que j'avais construit dans ma tête toutes ces années notamment au travers de mes lectures était en train de s'écrouler. Mais je croyais encore au grand amour (il ne devait pas y avoir 50 façons différentes d'aimer!!), celui avec qui je pourrais partager tout et ma vie. Celui avec qui je ne serais plus jamais seul. Celui qui me sauverait de ma famille, de mes amis hétéros avec qui je faisais semblant d'être bien, de mon ennuie, de ma merde quotidienne. Alors, j'ai retenté l'expérience avec d'autres garçons, pas tant que ça. Ca n'a rien donné. Je me suis dis: Si c'est ça l'amour, c'est chiant. J'avais 21 ans et je n'imaginais pas vivre ma sexualité en dehors du cadre bien structuré de l'amour. Donc j'ai tout arrêté et j'ai été abstinent pendant deux ans: plus de sexe, plus de relation. Par la suite, j'ai compris certaines choses et j'ai commencé à changer et à apprendre à aimer.
Parler du prince charmant, c'est aussi parler de notre (nos) façon(s) de vivre nos relations avec les garçons en tant que PD, de vivre l'amour, la sexualité… Comment gère-t-on le fidélité, la jalousie bref le rapport à l'autre? Le modèle d'amour qu'on m'a proposé dans mon éducation, ma famille, la société normale ne me convient pas et le mythe du prince charmant en fait partie. Je n'y crois plus parce qu'il ne m'a fait que du mal mais aussi par conviction politique. Pour moi, il y a, entre autres, deux choses rattachées à ce mythe qui me dégoûtent profondément: la religion et la famille.

Le retour du prince charmant…

Alors ce prince charmant c'est quoi? Un relent nauséabond de la culture judéo-crasseuse. Un sauveur, un messie, celui qui nous sauvera toutes. Grâce à l'espoir de sa venue, on ne se suicide pas. On peut supporter toutes les saloperies de la société qui nous pourrissent la vie: les humiliations, le travail, la peur, les coups. On accepte tout parce qu'on se raccroche à l'espoir que le grand amour de notre vie nous conduira au bonheur et nous fera voir la vie, notre nouvelle vie, en rose. On pourra vivre d'amour et d'eau croupie.
Quelle déception, quel vide dans ma vie quand j'ai compris que le prince charmant était un mythe, que finalement, j'étais toute seule: je ne pourrais compter que sur moi si je voulais avoir une chance de trouver un peu de bonheur dans ma vie. Personne ne viendrais sur son destrier,qu'il soit blanc ou de couleur, pour me sauver. Ce prince charmant est exactement l'image, l'élément essentiel du modèle de relation amoureuse que nous impose la société et qui ne me convient pas. Un modèle complètement figé, réducteur et hétéronormatif : imposer le même modèle à tout le monde - homos comme hétéros - histoire que même ceux et celles qui n'ont pas la chance d'être hétéros ne se mettent pas à remettre en cause ce qui est naturel: un amour fidèle et exclusif, le marriage ou le PACS et companie. Le prince charmant est une des facettes de l'idéologie catho, une des matrices de l'ordre moral. Cet ordre moral qui est à l'origine de l'oppression, discriminations et persécutions que j'ai ressenti et ressens toujours en tant que PD. Comment ne pas faire lien entre l'attente des cathos pour le retour du messie qui les sauvera de leurs souffrances et de leur vie terrestre et l'attente de toutes les princesses (souvent dans la douleur) pour leur prince charmant? Au passage, on notera d'ailleurs que dans le prolongement de la pensée catho sexiste, ce sont les princesses (comme moi) qui attendent leur prince et pas l'inverse! Ce mythe est beaucoup trop le reflet de multiples oppressions pour correspondre à une quelconque vision pure, naïve et naturelle de l'amour: le prince est blanc, riche, viril et hétéro!
Moi, je n'ai pas envie d'attendre le prince charmant. C'est bien là encore un héritage de la culture judéo-chrétienne que d'attendre le bonheur comme s'il allait tombé du ciel, comme s'il suffisait d'être bon et gentil pour y a avoir droit, pour mériter la grâce divine. La gentillesse est un sentiment à gerber: il faut être gentille avec son copain, se sacrifier pour lui comme Jésus l'a fait, faire des compromis, des efforts pour mériter le bonheur à deux…beurk!! Je crois qu'il ne faut pas être gentille, qu'il faut être égoïste et penser avant tout à soi sinon on prend le risque de s'oublier dans une relation et c'est, je pense, une des raisons qui peut faire que l'on va souffrir. On fait tout ça pour qu'il nous laisse pas tomber et qu'on se retrouve seul. Bien sûr ça n'est pas agréable de se retrouver seul mais je crois que l'erreur c'est de croire que quand on vit à deux, on est pas seul. Définitivement, on l'est. On est toujours tout seul.
C'est seulement quand j'essaie de comprendre et de reconnaître ce qui est judéo-crétinnement construit dans ma vie que je reprends espoir: si les formes de relations amoureuses qui ne me conviennent pas sont socialement construites dans le but de perpétuer un ordre moral fasciste, cela veut aussi dire qu'il est possible de les déconstruire et d'en inventer d'autres. Vivre des amours, sexuels ou autres, avec des garçons et être bien est donc possible. Ce sont les amours libres et ça n'est pas simple mais c'est ce que j'ai choisi et je ne pourrais pas vivre autrement aujourd'hui.

Ils vécurent longtemps et se firent chier…

Dans la plupart des cas, qui dit prince charmant dit couple. Ce mythe du prince charmant ou du grand amour n'est qu'un des éléments qui ont servi à construire la bonne vieille morale de la famille hétéro. N'oublions pas que le rôle du prince charmant dans les contes de fée (très proche de la réalité) est de permettre à la princesse de "vivre heureuse et d'avoir beaucoup d'enfants". Bref de perpétuer la race comme l'encourage la religion. Avoir des enfants semble avoir autant d'importance que le bonheur de la princesse. Les deux seraient même nécessaire l'un à l'autre et après tout, on se fout de savoir si elle prend son pied quand elle baise. On reste donc dans les schémas classiques de l'essentialisme: un homme est fait pour aller avec une femme parce que la reproduction c'est naturel et c'est bien. Point barre. Cette morale de la famille restreint les possibilités infinies de vivre ses amours et en premier lieu, pour nous PDs, de vivre les notres. Il y a deux choses qui m'énervent particulièrement dans les valeurs familiales véhiculées par ce mythe du prince.
D'abord le fait que hétérosexualité et famille étant liés, la famille a été pour moi, en tant que PD, un traumatisme. Toute mon enfance et adolescence ma famille n'a cesser de me demander avec un air niais: Alors, tu as une copine? Et pendant les repas de famille, il arrivait souvent qu'on en vienne à parler des prochaines générations et de mes futurs enfants comme si ça allait de soi. Tout ça c'est du bourrage de crâne. Je ne veux pas avoir d'enfant. Je trouve ça chiant et ça ne sert à rien, ça ne m'apporte rien. Le couple n'est donc valorisé et imposé que parce qu'il permet de produire des mioches et de fabriquer une famille. Il ne peut donc être qu 'hétéro. Toute autre forme de relation qui ne réunit pas ces deux éléments - couple et hétérosexualité - n'ai pas reconnue. Il est donc évident pour moi que n'étant pas hétéro (bien-sûr!!) et n'ayant pas envie de reproduire la famille, je cherche à vivre mes relations en dehors de ces limites, de ce fascisme. Le prince charmant ne peut exister que dans ce cadre, il m'apparaît donc qu'il ne peut être qu'hétérosexuel donc pas pour moi.
Le couple, qu'il soit homo ou hétéro, permet encore et toujours aux individus d'accéder à un certain statut synonyme de reconnaissance sociale et d'intégration. Quel besoin est-ce que j'ai d'être reconnu par une société qui m'opprime? Quel besoin est-ce que j'ai d'être intégré par cette société? Aucun bien entendu. Le couple (et donc la famille) est une cellule crée par les hétéros pour les hétéros. Il devrait être clair que ce modèle ne convient pas aux PDs. Le problème, et c'est la deuxième chose qui m'énerve, c'est que les couples gays et lesbiens se construisent de la même manière. Non seulement, les couples homos vont se construire comme les couples hétéros: fidélité, exclusivité, vie à deux pour toujours…etc…Beurk! Mais en plus les couples homos cherchent la même reconnaissance sociale d'une même société dont le fonctionnement est à l'origine de l'oppression homophobe/lesbophobe. Tout le monde à l'air content d'avoir obtenu le PACS alors que, mis à part le fait que ce n'est qu'une manifestation du pouvoir socialiste qui calme les esprits et endort les foules, c'est une tentative de recréer la famille. L'hétéro-pouvoir donne des droits aux homos qui vont dans le sens de la morale hétéro: couple, fidélité, travail. Toute valeur familiale est à exclure, elle est par nature oppressante et persécutante pour toute relation non-hétéro. Et bientôt on pensera que la société a fait un grand pas en avant parce que les couples homos pourront adopter des enfants. On retrouve dans les discours militants gays et lesbiens de la LGP 2001 les idées de Famille (homoparentalité), Travail et Intégration. On croit rêver!! Est-ce que ça ne rappelle rien?
Beaucoup de PDs copient, ou plutôt singent, exactement le modèle de relation amoureuse hétéro dans lequel le mythe du prince charmant joue un grand rôle. C'est lamentable!
Non, en tant que pédale qui veut la révolution, je n'ai pas envie de construire mes relations avec les garçons de la même manière que les hétéros suivant des valeurs familiales qui me font chier parce qu'elles sont le bras armé d'une société excluante et faschisante. Alors dans ma vie, je veux pouvoir vivre des relations sexuelles sans que l'affectif n'intervienne et des amitiés amoureuses avec ou sans sexe si j'en ai envie. Je veux avoir le choix de vivre et d'inventer des relations multiples et qui ne se ressemblent pas. Je ne veux pas que mes sentiments puissent être structurés, canalisés, fichés, étiquettés. Vive l'anarchie amoureuse!
Alors ce mythe qui est responsable de mon mal-être amoureux subi pendant des années et de mon abstinence sexuelle, je lui chie dessus (proprement parce que je suis une dame). Je chie aussi sur la famille et la puante mentalité katho. Voilà.

"Attention à votre famille. La famille est le lieu de destruction par excellence. Si vous lisez ce livre*, il y a 80% de chances que vous en soyez l'élément le plus brillant ( les 20 autres % concernent ceux qui se sont déjà suicidés, cancer ou autre). Donc le plus haï. Le plus détesté, jalousé, en danger. Le plus fort, donc le plus menacé. Alors: ne la voyez plus. (…) En vérité je vous le dis: oubliez-les. Ce sont des vampires et des succubes (…)." (G.Dustan, Génie Divin)

" Never forget who you are, little star. " (Madonna)

*Et BangBang !!

Par Nina Divina


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