Je le vois,
il est là, assis dans ce waggon, à 4 m de moi, à
la fenêtre. Il est monté lors du dernier arrêt.
C'est lui mon prince charmant. Il ne viendra pas. Il est beau, grand,
fort, de peau blanche, brun aux yeux verts. Il m'éblouit, il est
super cool. J'adore son petit look alterno, ses cheveux courts et forts,
ses lèvres fumantes, son front de penseur. Il est mal rasé,
ça m'exite. Il vient de parler au téléphone. J'ai
arrêté mon balladeur, juste pour entendre sa voix. Sa copine
est Canadienne. Une sensualité se dégage de son menton qui
mâche un chewing de manière indifférente. Il est hétéro,
bien-sûr, mon prince charmant est hétéro. Si j'étais
une fille, tout serait plus facile. Je pourrais être sa princesse,
sa cendrillon. Je ne suis même pas une fille, juste une pauv'pédale.
Le train vient de passer devant un château magnifique.
Mon prince est à nouveau au téléphone. Sa main a
l'air trop puissante pour le petit portable si fragile. J'aurais voulu
avoir son physique de mec. Il disparaîtra de ma vie au plus tard
au terminus de ce train. J'aurais voulu être un garçon comme
lui, avoir ce corps de 1 m 86, son insoutenable légèreté
d'être. Je suis nul, trop petit, trop faible. Je suis une tante
et n'ai rien d'un prince charmant. J'ai probablement un gros blocage.
Mon prince est à nouveau en télécommunication. J'apprends
qu'il est blessé au genoux. Un grand garçon fort et vulnérable.
Je suis prête à me soumettre à sa domination. Je ne
déprimerai pas. Mon prince charmant restera inaccessiblement beau.
Moi, je reste ridicule.
Le train s'arrête. Mon prince descend et disparaît sur le
quai. Tant mieux.
Par
Inferna K.
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