Comme ce numéro
de Bang bang, j'ai tourné jusqu'à maintenant ma vie
entièrement autour de mon Prince Charmant. En fait sans jamais
avoir compris vraiment qui il était. Et c'est réellement
en entamant cette réflexion pour écrire mon témoignage
que je me rends compte à quel point je suis - sur cette question
aussi - influencé par les préjugés dans lesquels
je baigne depuis la nuit des temps (enfin 26 ans)
L'absolu
Tout petit déjà je cherchais le grand amour, c'est à
dire l'idée de l'amour absolu, idée renforcée par
ma mère sous l'impulsion de la vision "moderne" de la
religion catholique dans laquelle je baignais: "aimez-vous les uns
les autres". Me croyant supérieur parce que je ne suivais
pas les dogmes et que j'en avais rien a foutre du pape, je ne croyais
qu'au message de Jésus basé sur l'Amour. En effet, que peut-on
y redire, n'est-ce pas, de ce message qui est à la fois moral,
bien et absolu? A cette époque, imprégné du monde
hétérocentrique je n'ai pas pu imaginer une seconde pouvoir
aimer un garçon et donc l'Amour Absolu s'incarnait dans l'image
évanescente d'une fille idéale. (avec petits seins et petit
cul quand même). A la même époque, n'éprouvant
aucune attirance particulière pour les filles, je ne cherchais
pas à coucher, je me réfugiais dans mes études. Je
correspondais en surface à l'archétype parfait du bon petit
catholique profond qui ne voulait pas courir les filles, mais qui justement
cherchait cet absolu, j'étais en décalage avec tous les
médias jeunes, toute la société autour de moi, et
je me justifiais par rapport à l'attente de la princesse.
True Love
Et donc cet amour m'a enfin trouvé (je ne serais pas allé
vers elle) et à 21 ans j'ai connu ma première et seule fille,
blonde aux yeux bleus, petits seins, mais cul de fille (non ma chérie,
tu n'as pas de trop grosses fesses, c'est la forme normale d'une fille)
et donc c'était mon Vrai Amour. Je ne voulais pas faire comme mes
parents qui avaient divorcé entre temps, mais je voulais montrer
au monde entier la vérité de l'amour que j'éprouvais
pour cette fille, ma princesse. Et mon aveuglement a duré 4 ans,
pendant ces quatre années, j'ai eu du plaisir en lui faisant l'amour,
mais plutôt à travers son plaisir à elle. J'ai joué
à l'hétéro idéal dans ce "Vrai Amour"
( c'est un peu facile pour un pd n'est-ce pas: totalement ouvert sur l'homosexualité
de mon frère, tendre, sensible - pleurant souvent, n'aimant pas
le foot, n'allant pas courir les autres filles, aimant repasser, faire
la vaisselle, etc. ) et au bout d'un moment j'ai compris que je me cachais
à moi-même mes désirs de vie homosexuels depuis très
longtemps, et j'ai couché avec un garçon et quitté
ma copine.
La Quête
A partir de ce moment la, j'ai commencé une quête effrénée
pour comprendre qui j'étais et rattraper l'adolescence que je n'avais
pas eu. Cette quête était et est encore entièrement
tournée vers la recherche de l'amour et du prince charmant. Et
au cours de cette quête, les expériences font bouger l'image
du prince et mes rencontres se modifient en même temps. J'ai commencé
à m'intéresser aux plus jeunes, au modèles standard
de beauté actuels, mince, mignon, imberbe, 18-22 ans. Mon prince
charmant était un minet, très mignon. Puis j'en ai eu marre
de ne pas être sur la même longueur d'onde dans les discussions,
et j'ai commencé à chercher un prince charmant avec qui
ça colle intellectuellement. Je suis donc sorti avec des garçons
de 23-27 ans qui avaient plus de poils, et j'ai trouvé mon prince
charmant. Ce qui est incroyable dans l'ensemble des rencontres qui forment
cette quête, c'est la régularité avec laquelle j'ai
rencontré des garçons qui ne me correspondaient pas vraiment
ou vraiment pas (clubber à fond, catholique de droite, accro de
"c'est mon choix" etc...) mais avec lesquels je jouais sans
m'en rendre compte au caméléon pour m'adapter à eux
et faire en sorte que ça puisse marcher, que ce garçon puisse
être mon prince.
La remise en
cause
Maintenant que j'ai trouvé mon prince charmant, mignon, bien en
phase avec moi intellectuellement, ça ne marche pas. Je crise car
il est malheureusement dans une voie différente de la mienne. Je
ne veux plus de prince charmant , j'en ai ma claque de l'absolu et du
bien, je ne veux pas de fidélité, toutes ces images sont
imposées également par la société. Tout ce
que je cherche, c'est un rapport à l'autre vrai, des réflexions
riches et un chemin à faire ensemble à plusieurs routes.
Mais le paradoxe est que je fonds en larmes dès quand je chante
dans ma tête cette chanson des demoiselles de Rochefort:
<< Je
ne sais rien de lui, et pourtant je le vois - Son nom m'est familier et
je connais sa voix, - Souvent dans mon sommeil, je croise son visage -Son
regard et l'amour ne font plus qu'une image.
Il a cette beauté des hommes romantiques - Du divin Raphaël
le talent imité - Une philosophie d'esprit démocratique
- Et du poète enfin la rime illimitée.
Je pourrais te parler de ses yeux de ses mains - Je pourrais te parler
de lui jusqu'à demain - Son amour, c'est ma vie, mais à
quoi bon rêver - L'illusion de l'amour n'est pas l'amour trouvé.
Est-il près, est-il loin, est-il à Rochefort? - Je le rencontrerai
car je sais qu'il existe - Bien plus que la raison, le cur est le
plus fort - A son ordre, à sa loi, personne ne résiste -
Et je n'y résisterai pas... >>
Et que dans
mes rêves les plus folles, je repasse et repasse (j'ai déjà
dit, j'aime repasser) les retrouvailles de Solange la jumelle et d'Andy
le pianiste :
<< [SOLANGE] L'étranger! [ANDY] l'étranger? [SOLANGE]
C'est vous, Andy? [ANDY] Oui, c'est moi.
[SOLANGE] Où avez-vous trouvé cette partition? [ANDY] Dans
la rue. [SOLANGE] Je l'ai cherchée partout. [ANDY] Moi aussi, je
vous ai cherchée partout! >>
Cela montre
bien que la recherche de cet absolu est actuellement encore entièrement
encrée en moi, et que je suis encore un petit garçon qui
attend superman pour le sauver. Suce à cette morale du bien et
de l'amour, mais je ne vais pas cracher sur les histoires à l'eau
de rose car je pleure aussi à chaque fois que je relis la fin de
Cyrano de Bergerac :
<< [ROXANE]
Ah ! que de choses qui sont mortes... qui sont nées ! Pourquoi
vous être tu pendant quatorze années, Puisque sur cette lettre
où, lui, n'était pour rien, Ces pleurs étaient de
vous ?
[CYRANO, lui tendant la lettre]
Ce sang était le sien. >>
et donc, ma follitude m'empêchant de faire un trait sur ce romantisme
effréné, j'ai décidé maintenant de n'avoir
plus un seul prince unique, mais d'avoir plein de princes charmants et
charmantes. Les inscriptions sont ouvertes.
Par
Marc de Grenoble
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