Un après-midi,
lors de la dernière Croisière, il a été proposé
un atelier sur le thème du dossier du prochain BangBang a paraître
(a savoir celui que tu as entre les mains). Cet atelier s'intitulait "Un
jour mon prince viendra
". Un des buts de cet atelier était
de poser les bases de réflexions qui pourraient permettre aux Croisiéristes
de se creuser un peu la tête et d'écrire des articles dans
BangBang 5. Ca a plutôt bien marché puisque la Rédaction
a reçu pas mal de textes.
L'atelier a donc été enregistré sur un magnétophone
un peu minable qu'une tante désargentée a bien voulu mettre
au service de la collectivité. L'atelier a bien rempli son rôle:
pleins de choses intéressantes ont été dites et pleins
d'aspects différents du sujet du dossier ont été
abordés. Voici un petit apperçu de ce qui s'est dit. Ne
t'inquiètes pas si tu ne trouves pas toujours de logique dans le
texte. C'est normal, en fait j'ai juste essayé de faire apparaître
les principaux sujets de discussion.
Après
avoir fait un tour de table où chacun a pu expliquer les motivations
de sa présence, la discussion démarre sur le thème
de "l'idéal" du prince charmant. Plusieurs PDs discutent
des défauts de leur prince charmant (PC). Pour plusieurs PDs, le
PC était alcoolique et violent mais ça ne les empêchait
pas d'être amoureux de lui. Quelqu'un explique que par rapport à
ça, ce mythe du PC idéal est destructeur puisque sans défaut
on ne peut pas aimer. Pour une autre pédale il était alcoolique
aussi et drogué et bisexuel en plus. Il lui a fallu mettre 600
km de distance pour ne pas continuer à avoir une vie de merde mais
elle continue à penser à lui quand même. Elle se trouve
emprisonnée parce qu'elle ne peut pas vivre sans lui mais n'a pas
envie de revivre avec lui non plus. Elle précise quand même
qu'elle est contente du sujet du dossier parce que ça la fait réfléchir
sur sa propre histoire.
Là, on change de sujet: une punkette explique que si on arrête
de croire au PC, on se retrouve avec le problème de la solitude
et de la confiance en soi:
" Le problème c'est qu'on grandit avec des contes à
la con qui nous font croire qu'on sera pas seul et qu'il y a quelqu'un
qui va nous aider à vivre. Y a peut être des alternatives.
Moi j' èspérais croire qu'on pourrait trouver des gens avec
qui y a des compromis possibles et une construction de vie. Mais il détruit
plus qu'autre chose ce mythe parce que moi j'arrive pas à m'en
débarrasser. Parce que derrière tout ça, y a la peur
d'être seul. (
) Y a tout le rapport à réinventer.
L'amour c'est pas ce qu'on nous a appris. "
La discussion
est sérieuse et on sent que tout le monde est très concentré
et réfléchit très fort sur ce que le sujet peut évoquer
pour lui. Un grand PD prend la parole et parle du PC et du rapport à
la mort. Avec le garçon dont il était amoureux ils ont décidé
à un moment donné de mettre de la distance. Mais ça
s'est mal passé et le garçon a décidé de se
suicider. Le grand PD parle du sentiment de souffrance souvent lié
au PC. Lui veut bien d'un PC mais il refuse que ça se vive dans
la souffrance.
La pédale qui a déjà parlé dit que la mort
et le PC sont liés dans son histoire. Avec son PC, c'était:
ne plus faire qu'un avec le PC, ne plus penser à soi, penser plus
aux problèmes de l'autre qu'aux siens. Elle dit que comme ça,
on avance pas, que si l'autre meurt, on meurt aussi. Pour elle, tout ça
est très destructeur.
Une tante anarchiste parle pour la première fois. Elle se demande
si, pour qu'une histoire d'amour soit belle, elle ne doit pas être
déchirante, dramatique. Toutes ses histoires avec les garçons
sont compliquées, difficiles mais c'est ça qui la passionne.
Elle vit d'ailleurs très peu d'histoires et que c'est souvent avec
des hétéros. Tout le monde rigole. Ca détend un peu
l'atmosphère. Sérieusement elle reprend son histoire et
fait le lien entre la relation de couple violente de ses parents et le
fait qu'elle a besoin d'avoir une relation violente avec les garçons
pour ne pas s'ennuyer. On fait aussi de la psycho à la Croisière.
Un PD rasé dit que le garçon qu'il a le plus aimé
le traitait comme un chien. Il se pose des questions sur les rapports
de pouvoirs entre le prince et la princesse dans une relation amoureuse
et fait le lien entre son histoire et le mythe du conte de fée:
pour lui le PC, c'est celui qui découvre la princesse qui est en
nous. Celle qui est martyrisée, qui souffre. Il est le sauveur,
il est admirable. Le PD rasé dit que son PC sera forcément
beaucoup mieux que lui, donc supérieur. Il se demande s'il arrivera
à vivre des relations amoureuses autrement que dans ce rapport
de force parce qu'il en souffre.
La punkette parle. Pour elle, il y a quelque chose de masochiste dans
cette relation au PC comme si on y avait pas droit. Le PD qui avait parlé
le premier ajoute que c'est sûr que si notre PC est insupportable,
il nous appartiendra, personne d'autre ne pourra l'aimer.
Un autre PD prend la parole. Il dit que les défauts ne sont pas
importants, que son PC à lui a toutes les qualités qu'il
aurait aimé avoir. Son PC est punk et ça lui fait oublier
tous ses défauts parce qu'il a l'impression de se battre contre
la société avec lui. Puis il nous fait un petit cours d'histoire
très intéressant sur le mythe du PC.
La punkette s'excite:
" Quand j'entends tout ça, j'me dis qu'il faut l'assassiner,
faut l'torturer ce prince, faut le pervertir. (
) Voilà, j'suis
vraiment énervé contre lui, contre cette histoire qu'on
m'a apprise, contre le conditionnement. "
Le grand PD
se demande comment se servir du mythe au lieu de s'en débarrasser.
Comment utiliser les outils qu'on a à notre disposition pour trouver
le bonheur?
Une autre pédale, fatiguée parce qu'elle cuve de la veille,
explique qu'après son coming-out, elle s'est raccrochée
au mythe du PC pour la reconnaissance sociale, pour survivre. Elle a vécu
4 ans avec un mec et considère que c'était une erreur. Aujourd'hui
elle ne veux pas tomber amoureuse et préfère trouver le
bonheur dans les bras de plusieurs garçons quitte à crever
là. Elle veut profiter à fond de ces moments furtifs mais
précieux. Le PD qui aime les punks en profite pour dire qu'il en
a marre de la dimension éternelle d'une relation amoureuse, que
lui aussi il préfère vivre le moment et ne pas penser au
lendemain.
La punkette pense que c'est dur de se revendiquer PD ou tante. Et donc
pour les PDs, la fidélité et le couple, c'est une manière
de s'intégrer à la société et donc de moins
souffrir mais c'est aussi reproduire un schéma hétéronormé.
La pédale du début parle de la difficulté qu'elle
avait à être folle avec son PC masculin qui avait peur d'être
visible dans la rue. Elle dit qu'elle ne pouvait pas être elle-même
parce que son PC était bi, il ne fallait pas qu'elle le grille!
Elle se sent emprisonnée par ce mythe, dépendante du PC
parce qu'elle aimerait que les moments de bonheur passés avec lui
durent toujours.
Puis, on parle des contes de fée de notre enfance, tout le monde
y va de son petit commentaire. Certain-e-s se comparent à Cendrillon
ou à la Belle au Bois Dormant. Les rires fusent. Puis le PD qui
aime les punks propose qu'on revienne à la dure réalité.
Il parle de la Croisière:
" C'est déjà un lieu ou je vois plus de possibilités
pour moi de rencontrer des gens avec qui je peux peut-être, peut-être
pas, partager de la tendresse, peut-être du cul, peut-être
même de l'amour. Donc c'était pour rejoindre la question
qui est posée dans BangBang: Qu'est-ce que je fais pour trouver
le PC? "
La tante anarchiste
dit qu'elle ne sait pas si elle pourrait trouver son PC à la Croisière
parce qu'elle pense qu'il n'a pas besoin de lui ressembler pour lui plaire.
Certains garçons qui viennent pour la première fois avouent
qu'ils ont penser à la possibilité de trouver leur PC dans
ce lieu qu'ils savaient priviligié. Les PDs parlent beaucoup, ils
disent que venir à la Croisière c'est aussi chercher une
alternative aux problèmes qu'ils ont dans leurs relations amoureuses,
c'est essayer de détruire ce mythe et de rencontrer des amours.
Puis un garçon dit que c'est quand même très agréable
d'être aimer et se demande comment on peut gérer le fait
d'être le PC de quelqu'un. Le PD qui aime les punks raconte comment
un garçon qui était amoureux de lui a fait une tentative
de suicide parce que c'était pas réciproque. Il dit que
dans cette histoire il avait une responsabilité vis-à-vis
de ce garçon et qu'il aurait du tout faire pour limiter ses souffrances.
Par exemple s'éloigner de lui.
La punkette n'est pas d'accord. Pour elle, il n'y a pas de méchant
et de gentil dans une relation, chacun est responsable de ce qu'il fait
et après tout peut-être que la personne qui souffre se complaît
aussi dans sa souffrance. Pour elle on est pas responsable du fait qu'une
personne tombe amoureuse de nous. Elle comprend pas qu'un garçon
puisse reprocher à un autre de l'avoir fait souffrir parce que
le sentiment amoureux n'était pas réciproque. Pour l'autre
PD cette responsabilité existe et est importante. Il explique:
" La personne qui est amoureuse de moi et dont je suis pas amoureux
, elle est aveugle et donc elle souffre. Si je l'aime bien je dois mettre
de la distance entre nous deux. C'est ma responsabilité de limiter
les souffrances de l'autre et de la faire survivre parce que quelqu'un
qui est amoureux et où c'est pas réciproque est dans une
situation psychologique passablement difficile et dangereuse. "
Les deux garçons
échangent des arguments pendant un moment. Ils ne sont pas d'accord
mais la discussion est construite et interessante.
A un moment un autre PD punk intervient. Ce que dit la punkette lui fait
violence. Il est d'accord pour dire que quand on est amoureux, on est
aveugle. Lui a vécu pendant des années avec un garçon
très violent qui le battait. Il n'a pas réussi à
partir tout de suite même s'il souffrait de cette situation. Ca
lui a pris beaucoup de temps pour quitter le mec et il est passé
par plusieurs tentatives de suicides. Alors, il n'arrive pas à
comprendre comment on peut dire qu'une personne qui souffre dans une relation
amoureuse puisse le faire par plaisir. La discussion se poursuit encore
un peu entre les trois PDs. Il y a beaucoup d'émotions.
Finalement un tour de table final achève l'atelier qui a été
particulièrement riche et intense. Tout le monde est assez content
de ce qui a été discuté et comme il est tard on décide
qu'il est temps d'aller bouffer.
Par
votre rapporteuse spéciale,
En direct de la Croisière,
Pamela Gloryhole
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