Contre la monogamie
sommaire dossier "Un jour mon prince viendra..."

A l'origine, il y a la coutume. " Les sociétés occidentales sont patriarcales et monogames. Et voici les homos, phagocytés dans la mélasse hétérosexuelle, qui ne trouvent rien de mieux que de reproduire la structure qui les oppresse en demandant des Pacs et des mariages avec grandes orgues. Pourtant, il ne faut pas une très grande perspicacité pour observer que l'union monogame occidentale ne contribue qu'à produire dans bien des cas l'indifférence mutuelle des deux conjoints quand ce n'est pas une haine viscérale. Comme toute coutume, l'institution du mariage résiste mal à la critique raisonnée. Aucune mythologie fondatrice ne tient. La biologie a maintenant anéanti toute possibilité de fondement en nature : à peu près aucun animal ne pratique la monogamie à vie (même les inséparables ne sont paraît-il pas si inséparables que ça.) On a aussi prétendu que la monogamie était une manifestation de la supériorité de notre évolution. Discours occidental impérialiste flagrant, qui feint d'ignorer ou ignore que d'autres sociétés humaines ont développé des formes d'union bien plus originales. On ne peut aussi s'empêcher de voir dans cet argument la tendance occidentale courante à ne juger une société donnée que par ses prouesses technologiques.
Le couple monogame, tel qu'il se pratique est aussi un des moyens par lequel l'homme perpétue sa domination sur la femme. Les féministes dénoncent cet aspect de l'institution depuis des décennies. Car le couple monogame que nous connaissons n'est pas la simple union de deux personnes. En tant qu'institution sociale, il impose une certaine conception des rôles et des devoirs de chacun. En effet, fondé sur la propriété (et en particulier la possession de la femme par l'homme), la couple monogame, dans son acception traditionnelle comprend une certaine division du travail, toujours encline à valoriser les tâches effectuées par l'homme (figure publique, qui a la force et le courage d'affronter le monde extérieur) aux dépens de celles réservées à la femme, confinée dans un rôle privé, négativement marqué, des tâches ménagères. Rentrer dans le moule du couple bourgeois, c'est aussi, au moins tacitement accepter ses exigences comme la fidélité sexuelle, le repli du couple sur lui-même (habiter sous le même toit), et toutes sortes de devoirs qui, parce qu'ils sont socialement presque universellement reconnus, et en apparence respectés, donnent l'illusion du naturel. Pourtant il n'en est rien. Le couple monogame, comme toute institution sociale n'est que le produit d'une contingence historique en partie alimentée par le mythe romantique du " prince charmant. " Mais à la réflexion, quoi de plus aberrant et dangereux que d'attendre d'une seule personne un épanouissement total ?Mais si une certaine passivité et la peur de sortir des rangs peut expliquer l'enthousiasme moutonnier des hétérosexuels pour se conformer à la norme, il est plus difficile de comprendre l'engouement des homos. Plutôt que se battre pour avoir accès à une structure qui pue l'injustice et le confinement malsain, pourquoi ne lutteraient-ils/elles pas pour une autre conception plus juste de l'union. En prenant pour stratégie de subvertir le couple existant au profit d'une association plus équitable pour tous (y compris les hétéros, et plus particulièrement les femmes), la revendication homosexuelle prendrait une dimension universelle, neutralisant ainsi la critique classique leur reprochant de promouvoir des intérêts étroitement communautaires. Outre les problèmes intrinsèques engendrés par le couple monogame, il en est un qui est plus particulier aux couples homos (males en particulier.) Il s'agit de la question des enfants. Ce n'est pas un scoop, un couple homosexuel ne peut pas engendrer de lui-même. C'est d'ailleurs un reproche conservateur classique. C'est aussi un sujet de détresse pour les homos (les hommes en particulier.) Comment ne pas y penser quand on constate la proportion nettement supérieure de suicides qui les frappent, et ce rejet de la vieillesse qui est le meilleur indice de la terreur qu'elle leur inspire. Avoir des enfants est loin d'être la seule façon de donner un sens à sa vie. Le travail et en particulier l'engagement politique devraient, il me semble être bien plus valorisés que d'accroître encore la population de cette planète… Mais il faut reconnaître que cela demande un style de vie qui n'est pas forcément au goût de tous. Alors, il y a la solution de faire des gosses ; moyen le plus couramment utilisé pour ne pas faire face à la futilité de l'existence. Bien évidement, si les homos s'enferment dans une structure monogame, cela devient problématique. Nous voilà donc en train de supplier les hétéros de nous accorder des droits à l'adoption ou à la procréation artificielle… Pourquoi les pédés et lesbiennes ne s'associeraient-ils pas pour élever ensemble des enfants qu'ils auraient eux-mêmes conçus ? Cela ne demanderait aucune loi. On ne pourrait plus reprocher aux homos d'être stériles et leurs problèmes existentiels seraient au moins en partie résolus.Seulement voilà, changer les mentalités est toujours un exercice de longue haleine. Les discours sont nécessaires. Il est urgent de créer un langage qui ne soit pas celui de la monogamie et un espace pour le parler (BB ?). Cet espace n'existe pratiquement pas pour hétéros, qui s'efforce au mieux d'améliorer ce qu'ils connaissent déjà. Il y a une ébauche de débat chez les homos. Mais il est regrettable que dans la plupart des cas la seule alternative concevable au couple bourgeois soit le 'casual sex'. Il ne s'agit pas verser dans le moralisme et d'interdire quoi que ce soit. Mais plutôt de prendre acte du fait que dans la durée, il n'y a probablement peu de satisfaction à en tirer, surtout si c'est là la seule forme d'affectivité pratiquée. L'espace des possibilités entre le couple facho-bourgeois et le " casual sex " pur et dur est infini. Pourquoi ne pas explorer la relation amoureuse sur le thème de l'amitié sincère? L'amitié comprise comme bienveillance, affection sans aucune trace d'exclusivité : on ne reproche pas ses ami(e)s d'avoir d'autres ami(e)s ! Pour donner force aux discours, rien ne vaut l'action. A vous de savoir ce qui vous convient, de le mettre en œuvre au mieux et d'en parler autour de vous.

Par Philippe Duffour


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