Les
DégouTantes ou la recherche d'une radikalité anarkoqueer
aux UEH de Marseille
Par
Libida de Lorraine
L'UEH (Université
euroméditerranéenne des homosexualités), ça
a l'air compliqué, mais je vous explique: c'est un peu comme La
Croisière, mais c'est les-bi-gai et beaucoup plus grand, et c'est
subventionné. C'est une fois par an, pendant une semaine, et ça
se passe près de Marseille. Politiquement, les deux rencontres
n'ont pas grand-chose en commun. L'UEH, c'est un truc de gauchistes, qui
cherche, il me semble, une radicalisation par la diversité les-bi-gaie,
tandis que La Croisière se veut un espace plus séparatiste
anarkolibertaire. Bref, au moins à cette dernière, je peux
théoriquement être sûr de ne pas tomber sur un keuf
gai. A Marseille il faut craindre peut-être déjà pour
l'année prochaine, la présence d'une association de flics
homos. Bon, j'arrête de comparer les deux, ça ne sert à
rien. Je vis des moments très fort aussi à l'UEH, même
si c'est loin d'être un truc révolutionnaire. Ça suit
les consignes des autorités locales, et c'est bourré de
concessions. Au niveau de l'organisation, ça m'a l'air plutôt
pyramidal que collectif. On peut effectivement voir l'UEH comme un forum
réformiste, contrarévolutionnaire qu'on peut alors, en tant
que tante anarkolibertaire, boykotter ou combattre. Oui, on peut effectivement
se donner cette radicalité de punk qui dit: " je casse tout
ce qui me déplait ". Personnellement j'opte pour une autre
vision de l'UEH. C'est un lieu où je vais parce que j'ai envie
d'apprendre. J'apprends entre autres à concevoir un travail politique
personnel et collectif. C'est un aspect d'autant plus important que c'est
justement une stratégie fasciste que de cesser d'apprendre, de
courrir après un perfectionnisme en éliminant d'office toute
contradiction.
L'UEH, c'est l'expérience de la diversité les-bi-gaie. Les
DégoûTantes, ce groupuscule de folles anarchistes qui squattaient
une partie du parking devant les bâtiments de l'UEH 2000, avaient
choisi de rester à l'extérieur de cette diversité
arc-en-ciel, de ne pas fonctionner comme les associations, de prendre
de la place, d'accueillir, à l'extérieur, les gens intrigués
par cette distance et cette différence. Pour les DégoûTantes,
c'était primordial de marquer une différence avec LE Congrès
des gauchistes les-bi-gaiEs, de rester autonome, et de se trouver vachement
queer. Oui, c'était bien queer comme expérience l'année
passée, tout plein de " queering moments ", pour surprendre
soi-même et les autres... Et tout ça à un congrès
où on trouve du queer seulement sous sa forme théorique,
où on adore les écrits de Wittig, Butler & Cie, mais
on ne veut pas de provocation trop visible à l'UEH. Quelle situation
absurde. Et à l'UEH 2001, les DégoûTes ont renoncé
à leur programme off. Maintenant elles vont avoir besoin de revoir
leur manière de participer ou non aux UEH. En tous cas, il semble
clair que l'UEH est trop fragile pour de l'activisme radicalement queer-politics,
d'autant plus que Marseille est une ville profondément homophobe.
Les DégoûTantes se trouvent bien dans un piège de
victimité, entre les chaises d'intégration et de séparation
autant chez les les-bi-gais que chez les anarkolibertaires. Où
vont les DégoûTantes? Où va l'UEH? Que fait Queer
l'omnipuissante?
Construction ou destruction? J'opterais pour la construction. Pour moi
c'est vital de pouvoir vivre une semaine les-bi-gaie de manière
quand même assez séparatiste, une fois par année.
Une semaine de UEH et deux semaines de non-mixité anarkopédale,
ça fait au total 3 semaines seulement d'homocollectivité
subversive par année. Je n'ai pas dit que l'UEH était subversive,
juste son potentiel homocollectif qui est bien-sûr un potentiel
politique. Non, l'UEH n'est pas révolutionnaire même si on
trouve des traces d'une certaine ligue c. révolutionnaire un peu
partout dans sa structure pyramidale. Ce sont des gauchistes et ainsi
des traitres à la révolution. Ils essaient de faire évoluer
la société par du réformisme. Moi, je veux la révolution.
J'arrive un peu tard alors, 68 c'est fini, c'est pire que Capri. Et je
veux quand même la révolution parce que je ne suis pas conTante.
La Révolution c'est un Prince Charmant qui ne viendra plus. Et
quand je crève, je n'ai plus besoin de Prince. Tant pis, moi, je
veux vivre la Révolution. Mais l'UEH n'a probablement pas besoin
de la même radicalité que moi. C'est une rencontre qui arrive
à faire naître de multiples projets, et, je l'espère,
des projets de la radicalité que je recherche actuellement.
Je me souviens encore très bien de l'atelier de la dernière
Croisière sur l'intégrationnisme et le séparatisme.
On commençait à concevoir ce dernier, et ça nous
rendait fortes, en tous cas plus fortes qu'avant. Le séparatisme
au niveau féministe, au niveau pédale, au niveau anarkolibertaire,
on trouvait cool tout ça. Mais bon, le séparatisme après
tout, ce n'est qu'un outil, utile à des moments bien précis
sur un chantier de travail politique. Le séparatisme comme philosophie,
oublies, tu risques d'y crever au bout d'un moment. N'oublions pas que
le séparatisme peut être un outil pour se protéger
et combattre notamment des ennemies comme le sexisme, le racisme, le fric,
l'église, la police, l'armée, le travail, la famille et
les violeurs, bref le patriarcat. Il devient urgent, à Marseille
l'année prochaine, qu'on affiche une position claire contre toute
participation d'association de flics ou de militaires les-bi-gaies. Oui,
c'est incroyable qu'on en soit arrivé là. Qui disait pédé
disait révolution il y a trente ans très exactement. Plus
rien n'en reste. Oui, 68 c'était bien de la révolution ratée
dont la preuve est la longue période de restauration qu'on vit
depuis. Réformisme partout, libération nullepart. Liberation
de quoi? De mon corps?
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